antiAtlas Journal #5, 2022

MISES EN SCENE DES EXPULSIONS DE CITOYENS INDIENS PAR LE MEXIQUE

Amalia Campos-Delgado

Résumé : Inspiré par la notion de « réalisation dramatique » d’Erwin Goffman (Goffman, 1959 : 36), cet article propose de considérer comme des « représentations théâtrales » les mises en scènes des manœuvres frontalières orchestrée par les États. Dans ce sens, il examine l’expulsion massive de 311 citoyens indiens du Mexique et la visibilité orchestrée de cette expulsion, ainsi que la manière dont leurs logiques réelles sont dissimulées aux yeux du public.
 

Amalia Campos-Delgado est professeure adjointe au Van Vollenhoven Institute for Law, Governance and Society attaché à l'Université de Leiden.
 

Mots-clés : contrôles frontaliers, déportation massive, théâtralisation, Mexique
 

antiAtlas Journal no 5 : Expulsions par voie aérienne
Numéro dirigé par William Walters, Clara Lecadet et Cédric Parizot
Design graphique : Thierry Fournier
Secrétariat de rédaction : Maxime Maréchal

antiAtlas Journal
Directeur de la publication : Jean Cristofol
Directeur de rédaction : Cédric Parizot
Directeur artistique : Thierry Fournier
Comité de rédaction : Jean Cristofol, Thierry Fournier, Anna Guilló, Cédric Parizot

Mexico’s mass expulsion of Indian citizens
Source: INM. 16 October 2019. Comunicado No.59/2019

Pour citer cette article: Campos-Delgado Amalia, "Mises en scène des expulsions de citoyens indiens par le Mexique, publié le 1er juin 2022, antiAtlas #5 | 2022, URL: https://www.antiatlas-journal.net/05-mises-en-scene-des-expulsions-de-citoyens-indiens-par-le-mexique/, dernière consultation le Date

I. Introduction

1 Le 16 octobre 2019, l'agence mexicaine chargée de l'application des lois sur les migrations, Instituto Nacional de Migración (désigné par INM dans le reste de l'article), a expulsé 311 ressortissants indiens à bord d'un vol charter. Contrairement à l'approche conventionnelle qui préserve la confidentialité des expulsions de masse, un communiqué officiel publié par les autorités migratoires mexicaines, ainsi qu'un récit visuel sur le compte Twitter de l'INM, ont annoncé cette expulsion massive (INM, 2019). Il s'agit, comme l'affirme triomphalement le communiqué de l'INM, d'un événement inédit : « il n'existe aucun précédent dans l'histoire de l'INM - ni dans la forme, ni dans le nombre de personnes - d'un transfert aérien transatlantique, conducción aérea trasatlantica, comme celui qui a été effectué ce jour-là. » (INM, 2019).

L'expulsion a été présentée comme étant conforme à la loi et aux droits humains.

L'annonce fait l'éloge de la communication et de la coordination avec l'ambassade de l'Inde, ainsi que des capacités administratives et logistiques de l'INM. En outre, bien que les résolutions migratoires officielles aient réellement été des expulsions, elles ont été qualifiées de rapatriement, un euphémisme communément utilisé pour les retours volontaires assistés (appelés dans le cas présent expulsions volontaires). Le communiqué de l'INM conclut en réitérant « l'engagement de l'INM à maintenir une migration sûre, ordonnée et régulière » (INM, 2019), en désignant ainsi implicitement les migrants comme responsables de leur propre détention et de leur expulsion. Bien que cet affichage délibéré puisse passer pour un exercice de transparence et de responsabilité démocratiques, je soutiens qu'il s'agit plutôt d'une tactique témoignant de la géopolitique du contrôle migratoire dans le corridor États-Unis-Mexique et qui devrait, par conséquent, être soigneusement disséquée. Pour ce faire, je propose, en m'inspirant des principes de la dramaturgie sociale, de considérer la visibilité orchestrée de ces opérations frontalières comme des représentations théâtrales : des opérations de communication et d’influence par lesquelles les agences de contrôle des migrations orientent la perception en construisant un récit de légitimation, démontrant leur efficacité logistique et faisant valoir la performance de leur régime de contrôle, tout en dissimulant en coulisses – comme dans une pièce de théâtre – les acteurs, les enjeux et les processus de l’opération.

Cet article se focalise sur la représentation et la mise en scène de l'expulsion et offre un aperçu de la dimension bureaucratique et opérationnelle du régime mexicain de contrôle du transit (Mexican Transit Control Regime, ci-après abrégé en MTCR) – un aspect qui, en comparaison avec les nombreuses études sur les implications directes et indirectes pour les migrants (Brigden, 2018 ; París Pombo, 2017 ; Ruiz, 2001), a été considérablement moins analysé, ce qui légitime encore davantage les recherches sur les États dits de transit (Bialasiewicz, 2012 ; Frowd, 2020 ; Winters & Mora Izaguirre, 2019). De plus, l’examen de ce cas met en évidence une profonde interconnexion entre l'application des lois migratoires mexicaines et la stratégie frontalière américaine, ce qui contribue ainsi à l'ensemble des travaux étudiant la dissémination du contrôle frontalier américain à travers les Amériques, et fournit également une nouvelle compréhension de la déterritorialisation et de l'instrumentalisation des pratiques d’expulsion. (FitzGerald, 2020; Hiemstra, 2019; Menjívar, 2014)

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1. L'exception qui confirme la règle

2 Ce cas inhabituel représente une procédure atypique dans la gouvernementalité de la migration au Mexique et, néanmoins, il peut-être vu comme l'exception qui confirme la règle. Depuis plus de 20 ans maintenant, le Mexique applique un régime de contrôle des transits pour intercepter, bloquer et dissuader la migration vers les États-Unis (Campos-Delgado, 2018b). Cette action est une extension des politiques frontalières américaines et des géographies carcérales qui ont, en pratique, transformé l'ensemble du territoire mexicain en « zone frontalière » où les droits des migrants sont annulés et leur mobilité supprimée (Médecins Sans Frontières, 2017). Bien que, depuis sa mise en place en 2001, ce régime ait mis fortement l'accent sur l'interception et la dissuasion des migrants d'Amérique centrale (803 interceptions signalées de 2014 à 2019), ces dernières années, le couloir migratoire traversant le Mexique vers les États-Unis a été également de plus en plus emprunté par des migrants d'autres nationalités, expatriés des îles des Caraïbes, d'Asie et d'Afrique ; ce qui se reflète dans l'augmentation des interceptions par les autorités migratoires mexicaines, passant de 7 435 en 2014 à 27 638 en 2019 (Unidad de Política Migratoria, 2019). Cependant, bien que la différence substantielle dans le nombre d'interceptions soit liée à la composition du flux, la caractéristique centrale du régime est son application différenciée en fonction de la nationalité des migrants.

Une caractéristique centrale du régime est son application différenciée en fonction de la nationalité des migrants.

Alors que l'interception est presque automatiquement synonyme d'expulsion pour les migrants centraméricains, ce n'est pas le cas pour les migrants d'autres nationalités, notamment les expatriés dits extracontinentaux (Campos-Delgado, 2021b). Le fondement de ce traitement différencié est que la machinerie bureaucratique et logistique du régime est bien articulée pour expulser les populations centraméricaines. Cette machinerie consiste en : (i) des accords internationaux de retour et de rapatriement, (ii) de multiples bureaux de représentation consulaire dans tout le pays, (iii) des centres de détention de courte durée, et (iv) des expulsions terrestres massives. Au contraire, les démarches bureaucratiques, logistiques et financières liées à l'expulsion de ressortissants d'autres nationalités sont organisées au cas par cas. Par conséquent, comme je l'affirme ailleurs (Campos-Delgado, 2021b), à la lumière du changement intervenu dans les flux migratoires, le régime a adapté et transformé ses mécanismes et pratiques frontalières en utilisant l'exemption d'expulsion pour pouvoir maintenir son attention sur l'interception, la rétention et l'expulsion des migrants d'Amérique centrale. Dans cet article, j’avance que, compte tenu du fait que les 311 migrants expulsés le 16 octobre représentaient 10 % de tous les citoyens indiens interceptés par les autorités mexicaines au cours de l'année 2019, cette expulsion, bien qu'atypique et inédite dans sa forme, est la preuve de la frontiérisation (bordering) par l'exemption et de l'instrumentalisation de l'application discrétionnaire de la législation migratoire par le Mexique, lorsque cela convient au régime.

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2. Visibilité orientée et orchestrée des pratiques frontalières

3 Cette expulsion transcontinentale avait également un caractère exceptionnel en ce qu’elle a été un spectacle médiatisé de la fontière. En d'autres termes, alors que les États exécutent généralement les expulsions de manière secrète et cachée et que les dénonciations sont le fait de citoyens, de la société civile organisée et/ou de journalistes (BiD, 2021 ; Rosenberger et coll.., 2018), cette visibilité était délibérée. Ainsi, pour questionner la gouvernementalité de la migration, il est nécessaire d'interroger à la fois ce qui est dissimulé et ce qui est délibérément révélé. 

« La visibilité dans la gouvernance de la migration, écrivent Martina Tazzioli et William Walters, n'est pas simplement un outil pour faire respecter les contrôles aux frontières ; elle contribue plutôt à structurer un champ de gouvernementalité qui rend les mouvements migratoires gérables, et elle est actuellement l'une des principales formes de connaissance qui soutiennent la gouvernementalité de la migration » (2016 : 454). Par exemple, dans les campagnes d'information étatiques  pour les migrants, la visualisation et la normalisation d'un paysage frontalier militarisé visent à affecter la prise de décision des migrants et à contenir leurs aspirations (Pagogna & Sakdapolrak, 2021 ; Williams, 2020). De même, comme le montrent les recherches de James P. Walsh (2015), les médias sociaux sont utilisés par les agences d'application des lois sur la migration avec des objectifs opérationnels et symboliques, comme mécanisme de partage d'informations et, finalement, comme outil de gestion des impressions. Ainsi, tout comme dans une production théâtrale, les États accentuent certains éléments et en dissimulent d'autres afin de gérer et d'orienter la perception d'une question, je propose donc d'examiner la visibilité orientée et fabriquée des pratiques frontalières à l'instar de représentations dramatiques. Bien que la théâtralité frontalière ait été examinée auparavant (Amilhat-Szary, 2012 ; Amoore & Hall, 2010 ; Andreas, 2001 ; De Genova, 2002 ; Jones, 2014 ; Reed-Sandoval, 2015), je m'inspire de la notion de « dramaturgie sociale » pour examiner les aspects de la scène et des coulisses de l'exécution des contrôles aux frontières et considérer ce qui est construit comme visible et connaissable et ce qui est destiné à rester caché dans la mise en œuvre du contrôle frontalier.

Analyser les aspects de l'exécution des contrôles aux frontières sur le devant de la scène et dans les coulisses

La dramaturgie, par l'accent qu'elle met sur la création de sens et l'expressivité de l'action humaine (Edgley, 2003, 2013), se concentre sur ce qui émerge dans le champ de l'attention et ce qui reste déguisé, et constitue donc un cadre utile pour démêler les politiques et les technologies de la visibilité dans le contrôle de la migration. Le mot célèbre de Kenneth Burke : « Tout façon de voir est aussi une façon de ne pas voir" (1977 : 49) résume une remarque critique sur "la politique du perceptible et de l'imperceptible" (Lepecki & Banes, 2006 : 2). Pourtant, l'invisible, souligne Maurice Merleau-Ponty, « n'est pas le contradictoire du visible : [...] l'in-visible est la contrepartie secrète du visible [...] pour comprendre pleinement les relations visibles [...], il faut aller jusqu'au rapport du visible à l'invisible » (1968 : 256).

Néanmoins, ce n'est pas seulement que le perceptible et l'imperceptible, l'invisible et le visible, sont intrinsèques, mais aussi que dans les politiques et les technologies de la visibilité, la tromperie est cruciale pour ce que Goffman appelle « la maîtrise des impressions » (1959 : 197). Après tout, comme le souligne Burke (1945 : 59), toute sélection d'une réalité est un détournement de ladite réalité. Par conséquent, une étude du contrôle des migrations et de l'application des lois frontalières inspirée par l'accent mis sur la dramaturgie spectaculaire, les coulisses et le management des impressions, permet d'aborder sous un nouvel angle les questions liées aux aspects opérationnels et logistiques des politiques frontalières, ainsi que les récits de légitimation des agences chargées de leur application.

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II. Dévoiler les dynamiques cachées

4 C'est dans les coulisses, explique Goffman, « qu’on met soigneusement au point les moyens de faire exprimer à une représentation quelque chose de plus que ce qu’elle exprime ; c’est là qu’on fabrique ouvertement les illusions et les impressions » (1959 : 110).

Explorer les pratiques gouvernementales qui échappent généralement au regard du public

Par conséquent, pour accéder à la logique cachée du MTCR et l’examiner, les demandes d'accès à l'information (Freedom of Information Requests) ont été utilisées comme méthode d'enquête et de collecte de données. Puisqu'elle vise à explorer les pratiques gouvernementales qui ne sont généralement pas connues du public et à remettre en question leur raison d'être, cette approche est fondamentalement critique et perturbatrice de la théâtralité gouvernementale dans laquelle les scénarios de communication restent inconnus du public. Ainsi, comme le soulignent Kevin Walby et Alex Luscombe, « l'accès à l'information n'aide pas seulement les chercheurs à mieux comprendre les dynamiques processuelles et organisationnelles des organismes publics, il permet également aux universitaires, en tant que citoyens actifs, d'aider à tenir les personnes en position de pouvoir responsables de leurs actions » (2018: 11).

Les demandes d'accès à l'information, comme le souligne Keen avec enthousiasme, « offrent le potentiel d'un accès inégalé au fonctionnement de l'une de nos organisations officielles les plus omniprésentes et les plus influentes, le gouvernement fédéral » (1992 : 46). Néanmoins, bien qu'elle se soit révélée être un outil puissant dans la recherche en sciences sociales et en particulier dans la recherche sur le maintien de l'ordre et la sécurité (Belcher & Martin, 2019 ; Walby & Luscombe, 2020), cette méthode n'est pas « la voie royale pour connaître le "fonctionnement réel" de l'appareil gouvernemental » (Walby & Luscombe, 2019 : 34). De multiples obstacles méthodologiques apparaissent lorsqu'on essaie de l'utiliser systématiquement, tels que des données partielles, illisibles et/ou incomplètes (Bows, 2019 ; Roberts, 1998) ainsi que des obfuscations intentionnelles (ou non) qui retardent et compliquent la collecte et l'analyse des données. Ces perturbations, ces tentatives de régulation et de censure de l'information visent à maintenir le contrôle sur ce qui est perçu ; après tout, « Une mauvaise régulation de l’information reçue par le public implique une rupture possible de la définition de la situation » (Goffman, 1959 : 68). Cependant, comme le soulignent Oliver Belcher et Lauren Martin, le déni, le report et la divulgation sélective « offrent des perspectives pour la compréhension de la production de la sécurité, du pouvoir de l'État et de la connaissance » (2019: 34).

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5 Je m'appuie sur des informations obtenues par le biais de demandes d'accès à l'information (FoI) auprès de l'INM. Les informations obtenues sont censées avoir un caractère officiel et exact. L'analyse élaborée dans le cadre de l'enquête repose sur les demandes formulées au regard des aspects réglementaires et opérationnels entourant l’expulsion massive de 311 ressortissants indiens mise à exécution le 16 octobre 2019, complétées par des données issues d'une base de données sur les migrants appréhendés par les autorités mexicaines et leurs résolutions migratoires entre 2010 et 2019. Au sujet de cette  expulsion massive en particulier, 11 demandes ont été soumises au total, et une stratégie en « boule de neige » a été appliquée, c'est-à-dire que les « pistes » initiales pour demander des informations ont été tirées du communiqué de l'INM, puis le niveau de détail a augmenté au fur et à mesure que les demandes ultérieures se précisaient en fonction des réponses de l'INM sur le sujet. Afin de distinguer les informations publiques divulguées intentionnellement des informations obtenues par le biais d'une demande d'accès à l'information, les premières sont dénommées INM et les secondes INM-FoI. Les informations obtenues font la lumière sur les « secrets stratégiques » (Goffman, 1959 : 138) ainsi que sur les manœuvres en coulisses et les arrangements financiers de cette expulsion massive.

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III. Théâtralité mexicaine aux frontières

6 Le 16 octobre 2019, l'État mexicain, par l'intermédiaire de son agence de contrôle des migrations, l'INM, a expulsé 311 ressortissants indiens (310 hommes et une femme) par vol charter. Le Boeing 747 de Wamos Air a décollé à 21 h 50 de l'aéroport international de Toluca et est arrivé à New Delhi le lendemain à 20 h 30, heure locale (INM, 2019). Dans les sections suivantes, je vais décrire la scène et le contexte géopolitique, les acteurs, les manœuvres en coulisses et l'infrastructure de transport qui ont caractérisé cette opération. Je considère l'objectif de cette expulsion dans le contexte du programme de contrôle des migrations du MTCR et, enfin, je souligne comment les récits élaborés par les autorités mexicaines pour publiciser et légitimer cette expulsion montrent également l'invisibilisation des migrants et la dynamique de contrôle savamment mise en scène par le régime.

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1. Externalisation et répercussions

7 Les autorités mexicaines ont présenté cette expulsion comme une réponse d’un pouvoir souverain à des migrants « qui n'avaient pas un statut régulier de séjour dans le pays » (INM, 2019) et, bien que cela soit exact, ce cadrage dissimule le fait crucial que la destination ultime de ces migrants n'était pas le Mexique, mais les États-Unis. Ainsi, les répercussions à long terme des objectifs étasuniens de contrôle des frontières et des migrations sur la politique migratoire et le maintien de l'ordre au Mexique, constituent l’arrière-plan et le contexte géopolitique de cet événement.

Répercussions des objectifs américains de contrôle des frontières et des migrations sur le contrôle exercé au Mexique

Le MTCR tend à arrêter et à dissuader les migrants en transit vers les États-Unis (Campos-Delgado, 2018b, 2021a). Le régime est officiellement entré en vigueur en juin 2001 en vue de la mise en œuvre du « Plan d'action pour la coopération en matière de sécurité frontalière entre le Mexique et les États-Unis » (Département d'État américain, 2001). Depuis, il a été renforcé par des accords bilatéraux et des initiatives dirigées par les États-Unis, comme l'Initiative de Mérida, grâce à laquelle le Mexique bénéficie de fonds, d'équipements et d'un programme de formation. Ainsi, il matérialise ce que Nancy Hiemstra appelle « l'élasticisation de la frontière sud des États-Unis » (2019 : 54), un assemblage par lequel les États-Unis ont reterritorialisé et dispersé leurs activités de contrôle des frontières.

Le MTCR a été rationalisé par la logique de gestion conjointe des frontières (co-bordering) et une « diplomatie du bon voisinage » (Henrikson, 2000). Néanmoins, sous la façade d'un partenariat égalitaire se cache une asymétrie de pouvoir entre le Mexique et les États-Unis. L'effort de collaboration américano-mexicain pour l'application de la loi sur les frontières et le contrôle de la migration, comme l'explique Matthew Longo, « apparaît fréquemment comme une politique menée par les États-Unis à laquelle le Mexique est contraint de participer » (2016 : 200). Par conséquent, bien que, temporairement, l'arrière-plan direct de l'acte soit formé par les menaces du président Trump et l’acquiescement des autorités mexicaines à davantage sécuriser et militariser les routes migratoires, nous ne pouvons pas considérer l'approche coercitive de Trump comme atypique, mais comme intrinsèque au régime. Cet élément de coulisses a été accidentellement révélé par la mise en scène maladroite et le « décorum » de Trump, qui a presque joué un « rôle contradictoire » (Goffman, 1959 : 141) en exposant la nature cachée de cette alliance de sécurisation.

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2. Air deportation to India: sporadic but not unusual

8 Comme dans d'autres États (Khosravi, 2009 ; Kleist, 2020 ; Walters, 2016 ; Weissman et coll., 2020), les expulsions par voie aérienne ont déjà été mises à exécution dans les opérations d'éloignements forcés du Mexique. Cependant, en raison de l'accent mis sur l'interception, la détention et l'expulsion des migrants d'Amérique centrale en transit vers les États-Unis, l'infrastructure d'expulsion mexicaine a été principalement terrestre, et les expulsions aériennes ont été exécutées par des avions commerciaux (Campos-Delgado, 2018a).

Néanmoins, si cette expulsion particulière (en raison de sa forme, de son ampleur et de son objectif) est sans précédent dans la gouvernementalité de la migration au Mexique, l'analyse chronologique des expulsions par voie aérienne appliquées par les autorités mexicaines aux ressortissants indiens au cours de l'année 2019 montre que, bien que sporadiques, de telles opérations ne sont pas exceptionnelles (cf. Image 1). Au cours du second semestre, si l'on exclut l’expulsion massive, les autorités mexicaines se sont rendues en Inde à 15 reprises pour expulser un total de 52 non-citoyens ; la moitié de ces voyages visaient à expulser une personne et deux fois seulement à expulser plus de cinq personnes (INM-FoI, 2021).

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Image 1. Calendrier des expulsions. Campos-Delgado, 2021. Source: INM-FoI, 2021

9 Cependant, bien que cet acte ait impliqué un nombre d'expulsés plus élevé que ce que l'on avait vu précédemment dans les déportations transatlantiques du Mexique, je soutiens que son importance n'est pas numérique mais symbolique et, par conséquent, traduit le décalage communicationnel entre l'apparence et l'activité réelle (Burke, 1977; Goffman, 1959).

L’importance de cet acte n'est pas numérique mais symbolique

De 2016 à 2019, sur les 14 195 non-citoyens interceptés de nationalité indienne, les autorités mexicaines en ont expulsé 543, soit par déportation soit par expulsion volontaire ; en particulier, les 311 migrants expulsés représentaient en l'occurrence 10 % de tous les ressortissants indiens interceptés au cours de l'année 2019 (INM-FoI, 2020). En pratique, elle est cohérente avec la gouvernementalité de la migration extracontinentale dans le cadre du MTCR. La délimitation par l'exemption, comme je l'ai soutenu par ailleurs (Campos-Delgado, 2021b), est le principal mécanisme de délimitation et d'ordonnancement de la migration extracontinentale en transit au Mexique dans lequel, par le biais de divers mécanismes, les autorités exemptent les migrants de l'expulsion. Autrement dit, une analyse attentive de cette expulsion massive permet de dévoiler à quel point les arrangements exceptionnels du MTCR sont courants. Par exemple, en 2019, sur les 3 112 ressortissants indiens (3 045 hommes et 67 femmes) appréhendés par les autorités mexicaines, 587 migrants ont été libérés de leur détention grâce au régime d'auto-expulsion (INM-FoI, 2020). Ce régime signifie que, soit par l'octroi d'un accord dit de libre transit, soit par la délivrance d'une résolution de départ définitif, les migrants sont libérés de leur rétention et doivent quitter le Mexique par leurs propres moyens, c'est-à-dire qu'ils peuvent transiter librement dans le pays tant qu'ils se dirigent vers une frontière, qui est généralement la frontière américano-mexicaine. En outre, ces données permettent également de mettre en lumière l'instrumentalisation des pratiques frontalières en fonction des intérêts du régime. Cette expulsion et sa visibilité délibérée, comme nous le verrons dans la section sur la finalité, n'était pas seulement commode pour le régime mais constituait même une déclaration géopolitique.

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3. Les exécutants

10 Cet « acte final », pour faire écho aux travaux de Deborah M. Weissman et ses collègues (2020), a été accompli par 40 agents frontaliers, Agentes federales de migración, 31 agents de la nouvelle Garde nationale, Guardia Nacional, ainsi que deux fonctionnaires de niveau intermédiaire qui y ont participé en tant que représentants de l'agence (INM, 2019).

L'Implication des agents de la Garde nationale en a fait un acte militarisé.

En outre, des agents du Service fédéral de protection du Secrétariat mexicain à la sécurité et à la protection citoyenne ont pris part à l'action à titre de « personnel de service » (Goffman, 1959 : 112), veillant à ce que l'événement se déroule sans interruption dans ce contexte, à savoir le transfert des détenus depuis le centre de rétention où ils avaient été réunis, jusqu'à l'aéroport où le vol charter a décollé. Pourtant, malgré la présence de cette force militaire et les implications qui en découlent dans la gestion de situations d'exception, il convient de souligner que, bien qu’en général dans ce type de vols ad hoc les expulsés sont habituellement moins nombreux que les agents de migration et de sécurité (Walters, 2018 : 2804), ce n'était pas le cas dans cette action en raison, peut-être, de l'effectif réduit de l'INM. (Carte, 2017).

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 11Observer cette expulsion au prisme de la dramaturgie sociale nous permet également de mettre en évidence des rôles et des pratiques qui, bien que cruciaux pour la réalisation des expulsions, ne se trouvent pas sur le devant de la scène et sont donc normalement négligés. C'est le cas des « spécialistes » (Goffman, 1959 : 149), c’est-à-dire des travailleurs spécialisés dans la mise au point, la réparation et l'entretien d’un dispositif spectaculaire. Dans le cas des polices aux frontières, ces « spécialistes » sont les travailleurs frontaliers qui ont mené l’expulsion sous son angle administratif, c'est-à-dire la main-d'œuvre bureaucratique de l'INM qui a géré le budget et les contrats de services, mais qui a également réalisé « l’expulsion de papier », c'est-à-dire la documentation de chaque expulsé et qui a assuré la liaison avec le personnel de l'ambassade indienne au Mexique, laquelle a certifié les nationalités des déportés. Ainsi, si les ambassades et les consulats ont une mission diplomatique et ont pour but de fournir une assistance et un soutien à leurs ressortissants expatriés, ils font également partie d'une diplomatie de l'expulsion dans laquelle, en fournissant des documents d'identité, ils jouent un rôle crucial dans le mécanisme d'expulsion. Après tout, selon la loi, ni l'expulsion ni l'aide au retour ne peuvent être appliquées si les migrants ne sont pas correctement identifiés par leur consulat.

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Image 2. Mobilité forcée des migrants à l'intérieur du pays avant l'expulsion. Campos-Delgado, 2021. Source: INM-FoI, 2021.

4. Manœuvres en coulisses

12 Outre cette diplomatie de l’expulsion, antérieure à l'expulsion elle-même, d'autres manœuvres ont été effectuées en coulisses pour rendre possible le départ du convoi d'expulsion du centre Acayucan de Veracruz vers l'aéroport international de Toluca. Comme l'avoue le communiqué de l'INM, les expulsés « ont été présentés aux autorités migratoires des États de Oaxaca, Baja California, Veracruz, Chiapas, Sonora, Mexico, Durango et Tabasco » (INM, 2019). Par conséquent, la première opération réalisée en coulisses pour accomplir cette action a été le déplacement forcé des migrants à l'intérieur du pays. En particulier, les migrants ont été transférés de huit centres de rétention, Estancias Migratorias, et de cinq centres de refoulement provisoire, Estancias Provisionales, répartis dans sept États, vers le centre de détention d'Acayucan (image 2). Comme le montrent les recherches (Gill, 2009 ; Hiemstra, 2013), ces mouvements intra-détention ne sont pas rares dans la gestion des migrations et se fixent un objectif disciplinaire et de distanciation.

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13 En outre, parallèlement à cette mobilité forcée, venait s'ajouter l'« attente forcée » (Tazzioli 2018 ; McNevin et Missbach 2018). Alors qu'en 2019, les ressortissants indiens interceptés par les autorités mexicaines sont restés détenus en moyenne 17 jours, les 311 migrants expulsés massivement ont été détenus plus longtemps (Image 3). Dès lors, cette expulsion peut être décrite en utilisant la formule ciselée d'Ethan Blue : « une conjonction de bouleversements brutaux, de déplacements imposés et de d’immobilisations forcées » (2015 : 188).

Alors qu'ils étaient expulsables sur le plan règlementaire, ces migrants croupissaient en détention

Les centres de détention de migrants mexicains sont des établissements de type carcéral présentant de graves déficiences infrastructurelles et des ressources humaines et matérielles limitées (CNDH, 2019 ; Campos-Delgado, 2021a). Par conséquent, bien que ces périodes ne soient pas en contradiction avec ce que stipule la loi Mexicaine sur les migrations, longtemps à endurer des conditions de détention exécrables. Ainsi, alors que les communiqués de l'INM louaient la maîtrise de la temporalité de cette expulsion, cette autre dimension était dissimulée.

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Image 3. Temporalité des contrôles : jours de détention. Campos-Delgado, 2021. Source: INM-FoI, 2021.

14La deuxième manœuvre clé en coulisses a été l'affectation temporaire d'agents frontaliers supplémentaires. Malgré l'importante force militaire qui a participé à cette expulsion, il ne s'agissait d’une opération de contrôle frontalier sous supervision militaire. Les agents de contrôle frontalier étaient chargés de la gestion du théâtre des opérations puisqu'en vertu de l'article 20 de la loi, ils sont les seuls personnels habilités à l'exécution de la politique migratoire. Cependant, une action de ce type nécessite une main-d'œuvre qui n'est pas disponible dans une seule région ; ainsi, des agents ont été convoqués dans tout le pays à Acayucan, Veracruz, où étaient concentrés les expulsés (Image 4) et déployés temporairement pour l'exécution de cet acte (INM -FoI, 2021).

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Image 4. Nombre d'agents frontaliers en service temporaire supplémentaire. Campos-Delgado, 2021. Source: INM-FoI, 2021.

5. Dispositif de transport

15Un ensemble de moyens de transport a été mis en œuvre pour l'exécution de cette expulsion : 14 autocars et un Boeing 747, ainsi que des patrouilles de la Sécurité et de la Protection Civile et une ambulance qui servi d’escorte entre le centre de détention et l'aéroport. Le convoi d'expulsion a effectué un voyage de 10 heures entre le centre de détention d'Acayucan et l'aéroport de Toluca. La mobilité forcée à bord d'un convoi d'expulsion, comme le souligne Ethan Blue, est « caractérisée par un déplacement géographique, une immobilité corporelle et une relative fixité temporelle » (2015 : 181).

Le « convoi d'expulsion » était composé d'autocars, d'une ambulance et de patrouilles de sécurité

Les véhicules, suivant la perspective « viapolitique » de William Walters (2016 : 436), ne sont « pas de simples apparitions éphémères mais plutôt des éléments matériels et symboliques dans les topologies du pouvoir ». En ce sens, le fait que le convoi d'expulsion était composé d'autocars, d'une ambulance et de patrouilles de sécurité souligne une logique de « contrôle-soin » (care-control) et l'application de la « frontière militaro-humanitaire » (Tazzioli, 2015) en territoire mexicain.

L'examen de ce dispositif de transport est également utile pour dévoiler un autre aspect à la fois perceptible et invisible dans le contrôle migratoire, à savoir les arrangements financiers. Bien que, dans un effort pour montrer l'efficacité et l'efficience logistiques, ce dispositif ait été spécifié dans les communications officielles de l'INM, le coût de ces services a été opportunément éludé dans les communications officielles. Cependant, scruter cet événement en tant que performance spectaculaire nous invite également à examiner son budget et, ainsi, ce qu'Andersson (2018) définit comme la « bioéconomie » du contrôle migratoire, dans laquelle la mobilité ou immobilité forcée des migrants devient une source de profit économique.

Les 14 autocars ont été loués auprès de la société mexicaine ETN Turistar Lujo SA de CV. Selon les informations fournies par l'INM, chacun de ces autocars a parcouru 8 393 km; chaque kilomètre était facturé 34,44 MXN, soit un total de 4 042 068,8 Pesos mexicains (INM-FoI, 2021) [environ 200 000 €, conversion en janvier 2023, NDLR]. En ce qui concerne l'avion, le gouvernement mexicain a payé 20 493 441,41 Pesos [un peu plus d’un million d'Euros, NDLR] pour l'affrètement du Boeing 747 à la compagnie aérienne espagnole Wamos Air (INM-FoI, 2020), spécialisée dans les vols charter et qui a également effectué en décembre 2020 un vol d'expulsion massive du Royaume-Uni vers le Pakistan. (Corporate Watch, 2021).

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16 En ajoutant les contrats de services terrestres et aériens, le coût moyen du transport par expulsé s'élevait à 78 892,36 Pesos [environ 3800 €, NDLR]. Alors que les recherches autour de l'économie politique du contrôle des migrations ont montré que l'application des frontières est outrageusement coûteuse et que de multiples industries en dépendent et en tirent profit (Andersson, 2018 ; Doty & Wheatley, 2013 ; Weissman et coll., 2020), dans ce cas, outre bien sûr les dilemmes moraux afférents, ce chiffre devient encore plus scandaleux lorsqu'il est mis en relation avec les budgets de l'éducation et des soins de santé du Mexique qui ne cessent de diminuer. À titre d'exemple, au cours de l'année 2019, les dépenses par habitant pour l'éducation de base dans le pays étaient de 21 508 Pesos par élève [environ 1000 €, NDLR] (CEFP, 2019 : 11). En outre, un arrangement financier qui passe souvent inaperçu dans la machinerie d'expulsion est l'indemnité de voyage des agents et son paiement différé. Pour cette expulsion en particulier, 414 188,24 Pesos [environ 20 000 €, NDLR] ont été dépensés en indemnités de voyage pour les deux représentants de l'INM et les 40 agents frontaliers pour couvrir les repas ainsi que l'hébergement à New Delhi (INM-FoI, 2021).

La participation des agents aux renvois s'inscrit dans un système de récompenses et de sanctions

Il convient de noter que, dans le MTCR, ces actes, ainsi que d'autres actions de répression des migrations, ne sont pas exclusivement menés par des agents de première ligne, mais également par d'autres travailleurs frontaliers dont les fonctions ne sont pas liées à la prise en charge directe des migrants ; ainsi, dans le fonctionnement quotidien du régime, la participation des agents aux renvois s'inscrit dans un système de récompenses et de sanctions. Par exemple, la participation à un renvoi terrestre vers l'Amérique centrale est considérée comme un mécanisme de sanction, ou du moins comme une activité peu attrayante, car elle implique des voyages en autocar sans arrêt qui durent de neuf à 36 heures (Project Counselling Service, 2015 : 10), et dans lesquels, généralement, après avoir « remis » les expulsés aux autorités locales, ils doivent revenir le même jour par le même moyen de transport. Cependant, les expulsions internationales, en particulier les expulsions transatlantiques, sont considérées comme une « récompense » pour rendement professionnel exceptionnel.

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6. Objectif : avertissement et affichage

17L'expulsion représente un message adressé non seulement aux personnes expulsées mais aussi à celles qui n'ont pas encore entrepris le voyage pour qu'elles sachent qu'elles ne sont pas les bienvenues (Collyer, 2012 ; De Genova, 2002). Pour le gouvernement mexicain, comme indiqué dans un communiqué officiel, les 311 migrants expulsés étaient des messagers de sa politique migratoire : « Les ressortissants indiens sont retournés dans leur pays dans les meilleures conditions possibles, afin qu'ils puissent ramener dans leur patrie le message selon lequel le Mexique accueille les migrants réguliers » (INM, 2019). Par ailleurs, invité à commenter cette expulsion lors d'un événement commémoratif pour le 26e anniversaire de l'INM, Francisco Garduño, le directeur de l'INM, a déclaré : « C'est un avertissement pour tous les migrants transcontinentaux : même s'ils viennent de Mars, nous allons les renvoyer, en Inde, au Cameroun, en Afrique ». Et, en effet, il s'agissait bien comme l'a dit Garduño, d'un acte d'avertissement.

En outre, si nous voulons nous plonger dans la « grammaire des motifs » (Burke, 1945 : xvi), nous devons prêter attention aux ressources grammaticales et au cadre interprétatif utilisé pour transmettre l'information au public. Ainsi, l'utilisation de la métaphore de la planète Mars par Garduño est cruciale pour comprendre la perspective et la construction de sens par le MTCR. Les métaphores, écrit Joel Sati, « configurent la façon dont nous envisageons la politique et la métaphore de 'l'étranger et du migrant' permet de concevoir plus facilement les immigrants comme étrangers et non humains, ce qui contribue à les placer en dehors de la politique » ( 2020 : 26). Par conséquent, même si, suite à de vives critiques de la part de la société civile, l'INM a présenté ses excuses, il est possible de décoder la signification de cette référence comme une « expression indirecte » (Goffman, 1959 : 1), qui a mis au jour un ton raciste et xénophobe et souligné une approche d'« altérisation » établie de longue date dans la gestion de la migration au Mexique.

Néanmoins, comme le souligne la pensée de Burke, « les motifs sont des appels rhétoriques qui cherchent à persuader un public interne ou externe » (Overington, 1977 : 134). Ainsi, même si le message ne visait apparemment que les migrants irréguliers en tant que public externe, il s'adressait également aux « partenaires du Nord » qui constituent un public interne.

Le but visait à réaffirmer l'importance et l'utilité du partenariat du Mexique et du MTCR en général

Selon la patrouille frontalière américaine, le nombre de citoyens indiens interceptés à la frontière sud-ouest des États-Unis a augmenté régulièrement et a connu un pic en 2018. Ces ressortissants constituent, depuis 2016, le troisième groupe de migrants le plus important appréhendé par les agents frontaliers américains, après les Mexicains et les Centraméricains provenant du Honduras, du Guatemala, du Salvador et du Nicaragua (CBP, 2019). Ces statistiques montrent que la route par le Mexique est devenue un transit pour d'autres migrants en plus des Centraméricains et que le MTCR n'a pas rempli son mandat de pare-feu avec ces autres populations en ouvrant une voie de mobilité « semi-légale » vers la frontière américano-mexicaine par le biais du dispositif d'auto-expulsion (Image 5). Par conséquent, cette expulsion doit être replacée dans le contexte de l'externalisation et des répercussions de l’agenda du contrôle des frontières américaines dans la gestion des migrations au Mexique, et donc comme un acte symbolique par lequel les autorités mexicaines ont cherché à démontrer à leur « partenaire du Nord » l'importance du régime et sa capacité à intercepter, détenir, expulser et dissuader cette population et pas seulement la population centraméricaine.

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Image 5. Appréhensions de ressortissants indiens par les autorités mexicaines et américaines (2010-2019). Campos-Delgado, 2021. Source: CBP, 2019 & Unidad de Política Migratoria, 2019.

7. Les clauses de non-responsabilité frontalière : une  « visibilité médiatique »

18 L'INM, comme d'autres agences de contrôle migratoire dans le monde, diffuse des communications soigneusement élaborées visant à légitimer ses politiques et pratiques frontalières (Torre Cantalapiedra, 2019), et, comme mentionné précédemment, cette opération ne faisait pas exception. Après tout, comme l’écrit Charles Edgley, « en politique, comme dans d'autres lieux humains, l'apparence fait tout » (2013 : 4).

Outre le communiqué qui a assuré une couverture dans les médias nationaux, l'INM a créé une grammaire visuelle avec des photos et une vidéo sur les réseaux sociaux en visant ainsi la transmission de son message à un public plus large. Dans cette « visibilité médiatique » (Brighenti, 2007 : 332), l'INM a agencé un récit légitimant et exposé son efficacité logistique. Tout cela peut donc être analysé comme une tactique visant à créer une « impression de légalité » (Goffman, 1959 : 52). Alors que les photos montrent des images prises à l'intérieur de l'avion et à l'arrivée à New Delhi (image 6), la vidéo de 2 minutes, initialement publiée sur le compte Twitter de l'INM puis supprimée, raconte l'opération d'éloignement au Mexique, c'est-à-dire le départ du centre de détention d'Acayucan et l'arrivée à l'aéroport, en soulignant principalement l'aspect logistique et la main-d'œuvre impliquée. (INM-FoI, 2020).

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Image 6. “INM informa”. Source: Twitter/ @INAMI_mx

19 Les représentations montrent l'« idéalisation du contrôle » : des migrants obéissants confinés dans leur siège de bus ou marchant vers l'avion, le tout sous le regard des agents de sécurité et de migration qui, dans un double rôle de représentation et d'observation, capturent ces moments sur leurs téléphones portables. Les migrants sont représentés comme faisant partie de la scénographie, des corps en mouvement qui se plient aux règles et aux injonctions des agents, qui n'interagissent même pas entre eux. Les représentations montrent les signaux gestuels des agents indiquant aux migrants où aller, ainsi que des agents se tenant côte à côte de sorte que leurs propres corps créent des couloirs humains qui guident les expulsés vers les bus ou les avions.

Les représentations de « l’idéalisation du contrôle ».

Par ailleurs, outre ces interactions, une autre dimension « corporelle » de l'éloignement est soulignée par la reconnaissance par l'INM de son « contrôle / soin » : « Pendant tout le voyage », précise l'INM (INM-FoiI, 2019), les étrangers ont reçu de la nourriture, de l'eau, des couvertures, et leurs affaires ont été mises en sécurité » – la mise en sécurité étant un euphémisme pour dire que les affaires des migrants étaient en réalité confisquées pendant le voyage.

Cette « visibilité médiatique » (Brighenti, 2007 : 332) visait à produire un récit de l'INM comme agence de contrôle migratoire efficace, respectueuse de la réglementation et, finalement, légitime. Compte tenu de l'ambiguïté, du secret et de l'opacité qui entourent le contrôle migratoire, mais surtout les expulsions et les expulsions de masse (Walters, 2016), la visibilité promue par l'INM nous amène à considérer ce fait non seulement comme une stratégie de gestion de la communication mais aussi comme un « déni de responsabilité » (Hewitt & Stokes, 1975) : une façon de s'assurer que cet « événement problématique » potentiel est défini et traité d'une manière qui ne remette pas en question la légitimité du régime. Cependant, l'effet de cette visibilité spectaculaire n'a pas été celui escompté : l'INM a été largement critiqué pour cette opération par les organisations de défense des droits humains, au point que la vidéo et certaines des images postées sur les réseaux sociaux ont été retirées quelques jours plus tard, et a également inspiré les questions sur ses dimensions cachées, qui sont développées dans cet article.

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IV. Conclusion

20 Considérer la visibilité orientée et fabriquée des pratiques frontalières comme des représentations théâtrales offre la possibilité de remettre en question les politiques et les technologies de visibilité dans la gouvernementalité de la migration. Ce prisme nous permet d'examiner ce qui est donné à voir et ce qui est destiné à rester caché dans le contrôle aux frontières, c'est-à-dire d'interroger la performativité publique et le récit des agences de contrôle migratoires, tout en analysant les acteurs et les dynamiques qui sont tenus à l'écart du public.

Le gouvernement mexicain voulait dépeindre l'imaginaire d'une machine à expulser ordonnée et efficace, mais aussi puissante.

À l'aide de cette grille d'analyse, j'ai analysé comment, en rendant délibérément visible l'expulsion massive de 311 citoyens indiens, le gouvernement mexicain a voulu donner l'image d'une machine à déporter ordonnée et efficace, mais aussi puissante, qui pouvait même expulser « [ceux] qui viennent de Mars », comme l'a déclaré le directeur de l'INM. Cependant, cette théâtralité limite ne visait pas seulement à orchestrer un récit légitimant la capacité logistique et l'efficacité de l'INM, mais aussi sa « qualité ». En omettant opportunément des aspects cachés qui ont été dévoilés ici, le gouvernement mexicain a présenté cette expulsion comme une opération dans laquelle les étrangers « font retour dans leur pays dans les meilleures conditions possibles » (INM, 2019), avec de la nourriture, de l'eau, des couvertures et un transport confortable. Ainsi, cette représentation exhibe non seulement le pouvoir de l'État mexicain, renforce le lien entre irrégularité et expulsabilité, mais – sous-tendu par une logique de « contrôle-soin » – légitime surtout  les futures expulsions comme sûres, ordonnées et, en définitive, humanitaires.

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Remerciements

21 Je remercie les coordinateurs de ce numéro d’antiAtlas Journal, William Walters, Clara Lecadet et Cédric Parizot, ainsi qu'Iréri Ceja Cárdenas pour leurs commentaires pertinents sur les versions précédentes de cet article.

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22
 

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Notes

23

1 En juin 2019, le président Trump a menacé d'imposer des droits de douane de 5 % sur tous les produits mexicains, pouvant aller jusqu'à 25 %, si le Mexique ne contrôlait pas le flux de migrants irréguliers sur son territoire..

2 Guardia Nacional est une gendarmerie à vocation de police nationale qui s'est fortement impliquée dans le maintien de l'ordre en matière de droit des migrations.(Ortega Ramírez & Morales Gámez, 2021).

3 En vertu de l'article 111 de la Loi sur les migrations, les migrants ne peuvent être maintenus en détention plus de 60 jours ouvrables, sous condition de libération et de régularisation .

4 Divulgation des heures exactes (1) du départ du convoi d'expulsion du centre de détention d'Acayucan, (2) de l'arrivée à l'aéroport international de Toluca, (3) du départ du vol charter pour New Delhi et (4) de l'arrivée à "destination".


5 Le nombre total de kilomètres parcourus par autocar est frappant car la distance approximative entre Acayucan, Veracruz, et l'aéroport de Toluca est de 600 kilomètres. Pourtant, il convient de noter que cette information a été confirmée par une enquête de suivi (INM-FoI, 2021). Comme mentionné précédemment, les informations obtenues de l'INM par le biais du FoI sont considérées comme officielles et précises.

6 Néanmoins, les frais de voyage étant remboursés, la possibilité d'attendre le remboursement de dépenses importantes filtre les agents qui peuvent être sélectionnés pour de telles missions.


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https://www.antiatlas-journal.net/pdf/antiatlas-journal-05-campos-delgado-bordering-theatrality-mexico-mass-explusion-of-indian-citizens.pdf

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