https://www.antiatlas-journal.net/pdf/antiatlas-journal-06-armanet-fournier-parizot-penicaud-introduction.pdf

antiAtlas Journal #6, 2023

antiatlas-journal #6 : Hétérographies, introduction

Eléonore Armanet, Thierry Fournier, Cédric Parizot
& Manoël Pénicaud

Hétérographies est le numéro 6 de la revue antiAtlas Journal, qui rassemble des contributions de Crys Aslanian & Ludmilia Postel, Claire Lapique & Ana Maria Lozano Rivera, Lauren Lee McCarthy, Manoël Pénicaud et Patrick Suter.

Pour la première fois, les articles du numéro seront publiés au fur et à mesure, à partir de l’été 2023, afin de proposer une attention et un focus plus individuel au moment de leur diffusion. Cette introduction s’enrichira donc au fur et à mesure de la parution des articles.


antiAtlas-Journal
Directeur de la publication : Jean Cristofol
Directeur de rédaction : Cédric Parizot
Directeur artistique et design des articles : Thierry Fournier
Comité de rédaction : Jean Cristofol, Thierry Fournier, Anna Guilló, Cédric Parizot,
Manoël Penicaud

Lauren Lee McCarthy, Autoreply, installation, photographie d'exposition, Selphish commissarié par Thierry Fournier et Pau Waelder, Mécènes du Sud Montpellier-Sète, France, 2020. Photographie © Elise Ortiou-Campion. URL: https://lauren-mccarthy.com/Autoreply

Introduction

1 Ce numéro trouve son point de départ dans une réflexion engagée au sein de l’Institut d’ethnologie méditerranéenne européenne et comparative d’Aix-en-Provence (IDEMEC), à partir d’une relecture croisée des travaux de Michel de Certeau sur l'écriture et de ceux d'André Leroi-Gourhan sur le style, qui, selon ce dernier, a une fonction de particularisation et contribue à fonder l’identité d’un groupe. En cherchant à comprendre les manières dont les humains s’écrivent eux-mêmes et écrivent « leurs autres », nous soutenons que l’écriture génère un style et vice versa, que cette singularisation suscite une altérité et constitue une pratique de la différence, tout comme les « hétérologies » de Michel de Certeau sont des « discours sur l’autre ». Le néologisme d’« hétérographie » est donc tout d’abord à entendre comme « écriture de la différence ». Il ne désigne pas seulement la communication d’une pensée qui lui serait préalable, mais renvoie davantage au processus et aux dispositifs de sa construction et de sa matérialisation.

La mobilisation du terme hétérographie vise donc à saisir de quelles manières les humains se représentent et mettent en scène le monde de façon différentielle. Car si l’écriture permet de soutenir un rapport au réel, on observe une multiplication historique des régimes scripturaires, dans un contexte post-numérique. Le préfixe « post » ne désigne pas ici un période temporelle (l’après-numérique), mais le fait que le les effets du numérique sont désormais sensibles partout, et sont constitutifs de l’ensemble de nos pratiques et de nos représentations.

Ce numéro porte ainsi sur les enjeux de la démultiplication des modes d’écritures au sein de l’art et des sciences humaines et sociales. Les chercheuses et les chercheurs ont amplement souligné l’influence des formes d’écriture sur leurs modalités d’observation, d’analyse et de diffusion de leur recherche. Quant aux artistes, ils déploient de multiples formes d'écritures comme dispositifs critiques, tout en interrogeant aussi leurs rôles et ceux du texte dans les sociétés contemporaines. En quoi ces évolutions infléchissent-elles notre rapport au monde, modifient-elles les objets de recherche et/ou de création et leurs modes de diffusion ? Quels défis méthodologiques, éthiques et épistémologiques posent-elles ? Les artistes, les chercheurs et les chercheuses inventent-ils des projets communs autour des formes et dispositifs d'écritures ?

On regroupe ici des contributions d’artistes dont la démarche comprend une réflexion sur le rôle des formes d’écritures et de chercheurs·euses en sciences humaines et sociales qui expérimentent d’autres formes d’écritures que le texte (documentaire, muséographie, etc.) et/ou qui intègrent la pratique artistique à leur processus de recherche.

Enfin,
antiAtlas Journal constitue lui-même un dispositif hétérographique : il offre un espace éditorial exploratoire, dont les auteurs·et les autrices sont expressément invité·es à s’emparer. Les “articles - paysages” que propose la revue sont en effet organisés chaque fois en nappe sur une très grande page dans laquelle les lecteurs·trices circulent librement, en éprouvant des relations variées entre les textes et les médias. Chaque auteur·trice a ainsi proposé un grand nombre d’images, croquis, schémas, cartes, vidéos et sons, en dialogue constant avec son propos. Loin d’être réduits à une dimension illustrative, ces éléments de médias sont entièrement constitutifs du sens même des articles.

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Lauren Lee McCarthy, You Can Say

Lauren Lee McCarthy, I heard TALKING IS DANGEROUS, Los Angeles, 2020, photo © Kat Kaye

2 antiAtlas Journal invite pour son n°6 l’artiste étasunienne Lauren Lee McCarthy, qui examine ce que deviennent les relations sociales dans un contexte de surveillance, d'automatisation et de vie algorithmique : « Un logiciel est un ensemble d'instructions, un code ou un script. J'applique alors une logique similaire aux interactions sociales, en me comportant moi-même comme une interface pour les autres. Mais il y a toujours une part d'humanité dans un protocole social, alors qu'une machine exige une série précise d'instructions, faute de quoi elle échoue. Ainsi, au mesure que la technologie se rapproche de nous, les scripts commencent à se confondre. »

https://www.antiatlas-journal.net/06-lauren-lee-mccarthy-you-can-say

Lauren Lee McCarthy crée des pièces qui humanisent ou incarnent les rôles que jouent les appareils intelligents ou les technologies, pour questionner la manière dont elles infléchissent les relations sociales. Elle met en jeu un large spectre de médias comme les installations, la performance, l'intelligence artificielle et les œuvres interactives. En 2017, avec l’œuvre LAUREN, elle a invité des participant·es à installer un système d’assistance personnelle virtuelle à leur domicile, similaire à sur Amazon Alexa – la différence essentielle étant que le dispositif  était animé 24/7 par l’artiste elle-même. Elle a ensuite renversé les rôles avec son projet SOMEONE, où des participant·es avaient accès et contrôle 24/7 au domicile de l’artiste. SOMEONE a reçu le Golden Nica d'Ars Electronica et le Japan Media Arts Social Impact Award, et LAUREN a reçu le prix DocLab de l'IDFA pour la non-fiction immersive.

Ses œuvres ont été exposées dans le monde entier, notamment au Barbican Centre, au Fotomuseum Winterthur, à la Haus der elektronischen Künste, au SIGGRAPH, au Onassis Cultural Center, à l'IDFA DocLab, à la Science Gallery Dublin, au Seoul Museum of Art et au Japan Media Arts Festival. Elle a bénéficié de bourses et de résidences de Creative Capital, United States Artists, LACMA, Sundance New Frontier, Eyebeam, Pioneer Works, Autodesk et Ars Electronica. Elle est également la créatrice de p5.js, une plateforme d'art et d'éducation open-source qui donne la priorité à l'accès et à la diversité dans l'apprentissage du code, et qui compte plus de 10 millions d'utilisateurs. Elle a développé ce travail dans son rôle de 2015 à 21 au sein du conseil d'administration de la Processing Foundation, dont la mission est de servir ceux qui n'ont historiquement pas eu accès aux domaines de la technologie, du code et de l'art dans l'apprentissage des logiciels et de l'alphabétisation visuelle. Lauren est professeur à l'UCLA Design Media Arts. Elle est titulaire d'une maîtrise en beaux-arts de l'UCLA, d'une licence en informatique et d'une licence en art et design du MIT.

Mots-clés : art, scripts, protocoles, code, communication, voix, rupture, présence

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Cette introduction se complétera au fur et à mesure de la parution des articles du n°6.

Pour citer cet article : Armanet Eléonore, Fournier Thierry, Parizot Cédric et Pénicaud Manoël,  "antiATlas Journal #5, Hétérographies : Introduction et sommaire", publié le 25 Juin 2023, antiAtlas #6 | 2023, online, URL: www.antiatlas-journal.net/06-introduction, dernière consultation le 20 juin 2023

Patrick Suter, Hétérographies et polyphonies littéraires 

Marta Minujín, Le Parthénon des livres, Documenta 14, Cassel, 2017, photo © Patrick Suter

3 antiAtlas Journal invite pour son n°6 l’écrivain, critique et traducteur suisse Patrick Suter, professeur extraordinaire de littératures de langue française contemporaines à l'Université de Berne :

« En mettant en relation deux œuvres monumentales (Le Parthénon des livres de Marta Minujín et Le Génie du lieu de Michel Butor), et tout en opérant un tournant qui mène de l’art contemporain aux littératures de langue française, cet article étudie les procédures d’exclusion dans l’espace politique ainsi que les moyens de rapprocher des voix appartenant à des espaces culturels ou sociaux différents.»

https://www.antiatlas-journal.net/06-patrick-suter-polyphones-litteraires/​


Patrick Suter est professeur de littératures de langue française contemporaines à l’Université de Berne (théorie et histoire de la culture). Il a interrogé les relations entre presse et littérature de Mallarmé à Rolin (Le journal et les Lettres, MētisPresses, 2 volumes). Ses champs de recherche embrassent les avant-gardes, la dramaturgie, la poésie, l’interculturalité et l’étude des frontières en littérature. Sur le plan littéraire, il a publié Le Contre-geste (La Dogana, 1999), Faille (MētisPresses, 2005), et Frontières (Passage d’encres, 2014). En tant que traducteur, il s’est consacré à la poétesse allemande Annette von Droste-Hülshoff (Tableaux de la lande et autres poèmes, La Dogana, 2014).

Il a codirigé des publications collectives sur Pinget (Robert Pinget. Inédits, Revue des Sciences Humaines, 317, 2015), sur l’interculturalité (Regards sur l’interculturalité, MētisPresses, 2016), sur Goldschmidt (Georges-Arthur Goldschmidt - Überqueren, überleben, übersetzen, Wallstein,2018), sur Butor (Michel Butor et la radio, Komodo 21, 15, 2021 ; Cahier Butor 2 : Michel Butor et les peintres, 2022) et sur la poétique des frontières : Poétique des frontières. Une approche transversale des littératures de langue française, MētisPresses, 2021). 

Ouvrages parus sur les frontières :

- Patrick Suter, Frontières, Guern, Passages d'encres, Trace(s), 2014.

« Elles sont l'impensé de la mondialisation. Plus actuelles que jamais. Elles n'ont jamais disparu, ne disparaîtront pas, ne peuvent disparaître. Elles ont produit, produisent, produiront des effets considérables. Elles déterminent l'organisation du monde. Frontières géographiques. Politiques. Culturelles. Sociales. Urbaines. Écologiques.

- Patrick Suter & Corinne Fournier Kiss (dir), Poétique des frontières. Une approche transversale des littératures de langue française (XXe-XXIe siècles), , Genève, MētisPresses, « Voltiges », 2021

Participant à l’organisation et à la mise en forme du monde, les frontières apparaissent également comme des lignes de forces dans de nombreuses œuvres littéraires. Périphériques ou centrales, statiques ou dynamiques, explicites ou implicites, pleines ou creuses, précaires ou tenaces, elles signalent des points de rupture ou des zones d’attraction dans les textes. Donnant lieu aux expériences les plus variées, elles engagent des formes et des esthétiques très différenciées.

À partir de cet objet commun, et en convoquant les débats récents sur la littérature mondiale, cet ouvrage invite à un voyage à travers les littératures de langue française. Il rejoint ainsi les préoccupations de la recherche contemporaine visant à décloisonner les différentes histoires littéraires nationales.

Mots-clés : Marta Minujín, Michel Butor, littératures de langue française, polyphonie, frontières.



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