antiAtlas Journal #3, 2019

Une ébauche de la théorie des catégories à destination des designers

Edmund Harriss et Rhett Gayle

Les systèmes abstraits tels que le dessin, la notation musicale et les motifs de tissage ne sont pas des nouveautés pour l’art et le design. Pourtant, avec l’introduction des ordinateurs, la gamme des abstractions possibles et les relations qu’elles entretiennent ne fait que s’élargir. Les outils mathématiques élaborés par la théorie des catégories, l’étude des espaces abstraits et les correspondances entre eux apportent un puissant outillage pour cartographier des systèmes abstraits et des systèmes de systèmes abstraits, et peut s’appliquer à des systèmes aussi différents que l’imagerie religieuse du IXsiècle et les formes architecturales contemporaines. A un niveau plus détaillé, elle offre une métaphore conceptuelle pour les logiciels de fabrication assistée par ordinateur (FAO) et d’environnements de programmation visuelle comme Grasshopper.

 

Cet article constitue une introduction aux concepts fondamentaux de la théorie des catégories et montre comment ils peuvent s’appliquer à un large ensemble de situations, depuis le design jusqu’au monde en général.
 

Edmund Harriss est mathématicien et artiste. Il enseigne à l’université de l’Arkansas. Son travail explore les applications inhabituelles des mathématiques et de la géométrie, ainsi que la façon de transmettre la puissance et la beauté de la pensée mathématique au-delà de la manipulation technique.

 

Rhett Gayle enseigne la philosophie à l’université du Colorado à Boulder, tout en vivant en Écosse. Sa recherche porte sur la portée philosophique de différents domaines des neurosciences cognitives, ainsi que sur la philosophie politique, s’attachant à des questions liées à l’émergence d’une civilisation planétaire.

 

Mots-clefs : abstraction, biomimétique, design, espace, mapping, mathématiques, modélisation, processus de production, programmation, théorie des catégories

Alliances moulées au sable, conçues à partir d’un motif tissé © Edmund Harriss

Pour citer cet article : Harriss, Edmund et Gayle, Rhett, " Une ébauche de la théorie des catégories à destination des designers" in antiAtlas Journal #3 | 2019, En ligne, URL : http://www.antiatlas-journal.net/03-une-ebauche-theorie-des-categories-a-destination-designers, dernière consultation le Date

Introduction

1 Dès le départ, la métaphore et l’abstraction ont été au cœur de l’art, certainement bien avant toute idée d’art abstrait. On peut aussi les voir comme essentielles à l’étude des mathématiques, si l’on pense le sujet comme l’étude précise d’une série de métaphores. Cette précision a permis aux mathématiciens d’explorer en profondeur les métaphores de construction des abstractions qui permettent d’expliquer les métaphores. Un des sujets les plus fondamentaux dans cette étude tient à la notion de théorie des catégories [MacLane10], une réflexion sur les espaces abstraits et la façon de circuler entre eux. Au centre de celle-ci on trouve une métaphore visuelle simple, des objets reliés par des flèches. Les objets sont considérés comme des espaces dotés d’une structure et les flèches donnent les correspondances, envoyant des éléments d’un espace dans l’autre. Il est essentiel de voir que les objets auxquels on s’intéresse sont les espaces eux-mêmes, pas les éléments particuliers qu’ils peuvent contenir.

Reprenant l’idée des mathématiques comme métaphore [Manin07], nous voulons reposer ici la théorie des catégories sous forme de jeu, comme une façon de penser les structures des idées et les processus. Le rôle qu’on envisage pour les mathématiques relève essentiellement de la perception [HSC19], une tentative de faire ressortir les structures et les métaphores cachées, ou de créer des métaphores à des fins d’apprentissage. Le critère de réussite n’est par conséquent pas la profondeur, ou même la justesse, de la réflexion mathématique, mais la question de savoir si des approches nouvelles et utiles sont produites pour l’idée, l’objet, le problème ou l’esthétique qui nous occupe. Dans ce cadre, nous nous pencherons sur des processus à la fois conceptuels et plus pratiques, en nous attardant plus particulièrement sur la question de savoir comment les représentations informatiques et les algorithmes peuvent être incorporés à un flux artistique.

L’idée d’espace est ici volontairement un peu vague, allant d’espaces plus évidents comme les positions dans une pièce, à d’autres plus inhabituels comme l’ensemble des objets dans la pièce, jusqu’à l’incroyablement abstrait, par exemple l’ensemble de toutes les conversations qui pourraient se dérouler dans la pièce.

Nous ne ferons qu’effleurer le sujet d’un point de vue mathématique, mais nous espérons que notre exposé suffira à inspirer des idées ou incitera même à une étude plus approfondie [LS98, Badiou14]. Pour le dire une fois encore, le but n’est pas d’aller vers des modèles rigoureux mais de susciter des métaphores, le critère de réussite étant de savoir si dans une situation donnée les idées évoquées ici en font naitre d’autres.

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La valeur de l'abstraction

2 Commençons par un exercice simple. Regardez autour de vous et trouvez des objets que vous pouvez compter. Ils peuvent être simples ou complexes. Prenez des choses que vous pouvez dénombrer en les regardant, certaines choses que vous auriez à compter sans difficulté et d’autres que vous pourriez compter, mais avec du temps. Vous venez de pratiquer un modèle mathématique simple des aspects du monde autour de vous, qu’on peut résumer comme il suit.

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3 Voilà la première des flèches à laquelle il nous faut réfléchir. Certaines questions essentielles nous viennent immédiatement à l’esprit : il est évident qu’une partie des informations est conservée, mais aussi qu’une grande part est perdue. Pour pouvoir dénombrer, il faut prendre des objets différents et identifier quelque chose de commun chez eux. Les livres fournissent un exemple parfait. Chaque livre contient ses propres histoires et ses propres connaissances, mais pour les dénombrer je ne dois les envisager que comme des livres, l’information est perdue dans la correspondance établie. Donc pour chaque flèche qu’on trace il y a toujours une question, qui est d’envisager à la fois quelle structure est préservée tout en sachant quelle structure est perdue.

En architecture, on a un bon exemple avec le dessin. L’espace abstrait du dessin permet aux idées d’être explorées. Un dessin représente suffisamment de la structure d’un bâtiment pour pouvoir tester des idées rapidement et à moindre frais. Après qu’on a décidé de la forme d’un bâtiment, les dessins jouent un rôle supplémentaire, permettant de communiquer sa conception à d’autres. Les maquettes fournissent une représentation différente qui conserve davantage de la structure tridimensionnelle. L’accent mis sur l’architecte comme auteur et non comme bâtisseur montre l’importance de l’abstraction dans les conceptions de l’architecture, au moins depuis le traité de Leon Battista Alberti, L’Art d’édifier, rédigé au xve siècle [Alberti04, Carpo11].

Ici, on peut souligner une règle que nous voulons appliquer à nos flèches. Quand on décrit ce qu’elles font, pour une entrée donnée, on veut pouvoir penser que le résultat est unique. Si l’on recherche vraiment la rigueur (ou si l’on travaille sur un ordinateur), cela s’avère alors une contrainte forte, mais le monde des métaphores nous laisse un peu de latitude. La flèche correcte ici n’est par conséquent pas du dessin au bâtiment, un dessin unique pouvant produire des bâtiments à de multiples reprises. La flèche opposée, depuis le bâtiment jusqu’au dessin, exprime mieux l’idée. Si l’on voulait définir soigneusement les règles pour un dessin, on pourrait isoler un bâtiment. De sorte que la flèche que l’on voudrait envisager ici serait :

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4 Au cours de l’existence humaine, bien d’autres abstractions ont été utilisées dans différents métiers : la notation musicale et en danse [Taruskin09], les motifs de tissage et de tricotage [Albers65, Nargi11], les modèles composés avec des bâtons utilisés par les anciens navigateurs du Pacifique pour représenter les courants marins [Lewis94] et même le langage lui-même. Dans chacun des cas, ces modèles abstraits présentent un ensemble comparable d’avantages. Ils permettent de répéter une situation, possiblement avec des changements et des permutations. Ils aident à fractionner un problème, écartant les propriétés mineures, permettant de s’attacher indépendamment à différents aspects. Enfin, ils permettent d’explorer cet espace simplifié plus efficacement, ouvrant à de nouvelles découvertes.

L’ordinateur introduit de nouveaux mondes d’abstraction. Mais surtout, il offre une façon automatisée de passer d’un espace abstrait à l’autre. Un modèle tridimensionnel de bâtiment ouvre de nombreuses possibilités. Il peut produire des dessins détaillés qu’on peut imprimer et, avec l’impression 3D, produire des maquettes physiques. En ajoutant les bonnes informations, on peut déterminer les quantités de matériaux nécessaires et le coût total. Cela peut même dépendre de paramètres, changer de forme en fonction des chiffres, comme la taille de la parcelle ou même d’entrées plus complexes comme des courbes ou des photographies. Un systèmes unique peut par conséquent produire une variété incroyable de dessins pour des bâtiments différents, qui peuvent être automatiquement convertis en plans et en maquettes.

Quand on s’interroge sur l’abstraction, il faut simplement considérer l’ordinateur comme un nouvel outil. C’est cependant un outil qui rend l’abstraction elle-même plus puissante. Avec un ordinateur, le processus le prise de décision et de conformité à des règles abstraites peut se faire automatiquement. Cela permet le traitement logique d’un modèle abstrait, plutôt qu’une simple représentation. Ce modèle primaire est passé de la représentation brute de l’alphabet et du dessin à l’algorithme [Carpo11]. Cela permet de traiter plus rapidement des systèmes qui peuvent être décrits sur l’ordinateur. Cela rend aussi la création de nouveaux mondes abstraits et l’exploration de leurs potentiels plus faciles.

Les mathématiques ont fait face à une situation similaire au XIXe siècle quand elles se sont attachées à l’étude de l’abstraction en elle-même, non plus simplement les abstractions du monde [Gray08]. La solution a été l’application de techniques abstraites à l’abstraction. Pour les designers, le parallèle est d’appliquer la pensée du design au processus du design, rendant possible la compréhension de compétences déjà développées de sorte qu’elles puissent être appliquées aux nouvelles possibilités qu’offrent les ordinateurs.

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Abstraction de l’abstraction

5 Prenons maintenant un jour ensoleillé, à midi sur l’équateur (de sorte que le soleil est exactement au zénith). Dans le ciel passe un oiseau, qui projette une ombre sur le sol. L’ombre se déplace avec l’oiseau, de sorte qu’on obtient une nouvelle flèche.

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6 La position de l’ombre donne des informations sur l’oiseau. On peut cependant explicitement dire que quelque chose manque. Deux oiseaux peuvent avoir la même ombre. On peut introduire une deuxième correspondance.

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7 Le fait que la même chose (l’oiseau) apparaisse dans les deux correspondances signifie qu’on peut les combiner en une seule image.

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8 Le but est ici de créer un diagramme et ensuite de l’utiliser pour poser des questions. Dans ce cas, nous avons explicitement identifié les informations perdues en trouvant une deuxième correspondance, de sorte que nous pouvons tenter de combiner les deux éléments, l’ombre et l’altitude. On qualifie formellement cela de produit. A partir de quoi on peut produire magiquement un nouvel espace (altitude, position de l’ombre) à partir duquel on peut retirer chaque élément.

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9 On peut maintenant se demander si on peut décrire ce nouvel espace combiné et peut-être compléter certaines des flèches manquantes. Dans ce cas, la combinaison des informations sur l’ombre et l’altitude décrit la position de l’oiseau et l’on peut créer une nouvelle flèche liant l’oiseau à sa position.

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10 La combinaison des deux descriptions de l’oiseau nous donne une meilleure compréhension, mais il manque toujours beaucoup d’informations. Par exemple, la direction de l’oiseau ou son espèce. Selon ce que l’on souhaite étudier, ces informations peuvent ou pas être utiles. Dans ce cas, l’oiseau est simplement lui-même une métaphore, créant un diagramme.

Le même diagramme peut s’appliquer à différentes choses. Prenez la fameuse formule de Paul Klee, « l’art ne reproduit pas le visible, il rend visible » :

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Cela crée le même cadre de départ :

11 Dès lors que l’on dispose de ce cadre, on peut se demander s’il est possible de l’élargir de la même façon. Ce qui donne : avec les interrogations naturelles (et possiblement intéressantes) de ce qu’implique une perception enrichie et comment elle influe sur l’expérience de départ.

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12 Pour envisager l’abstraction elle-même, nous partons de l’idée très vague d’un ensemble ou d’un espace, une collection d’objets qui peut être décrite. L’ensemble de toutes les maisons possibles par exemple, ou l’espace de tous les dessins de maisons. Nous nous penchons maintenant plus précisément sur la deuxième notion que nous avons utilisée, la flèche. On peut revenir au processus de création (ou simplement d’imagination) d’une maison possible à partir de dessins. Souvenons-nous que l’une des forces de l’abstraction est de permettre de se concentrer uniquement sur les propriétés importantes du système qu’on souhaite étudier. Dans ce cas, par conséquent, on peut ignorer le fait que la traduction entre dessin et bâtiment est difficile parce qu’elle passe par plusieurs années d’étude et juste se dire qu’elle existe, résumée dans le diagramme suivant :

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13 C’est très simple, mais avec l’ordinateur on peut commencer à s’intéresser à des situations plus complexes. Par exemple, avec un modèle informatique, on peut automatiquement générer des dessins et des maquettes imprimées en 3d. Cela produit un diagramme qui n’est pas très différent de celui qui précède. Dans ce cas-là, cependant, nous sommes partis de deux espaces différents qui perdent tous les deux des informations quand ils se limitent à la correspondance de deux représentations. Y’a-t-il des flèches raisonnables que l’on puisse ajouter à ce diagramme ? Une simple modélisation informatique, comme un dessin, peut être utilisée pour créer de multiples dessins, mais il peut lui-même être la source de multiples bâtiments et maquettes :

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14 Dans ce cas, chaque correspondance est établie simplement entre des espaces, de sorte qu’on peut se demander, en outre, si le bâtiment potentiel décrit par le dessin et la maquette en 3d sont les mêmes. On peut aussi se demander si le bâtiment potentiel que le client traduit à partir de la maquette et des dessins est le même que celui que l’architecte envisage.

Voici un deuxième exemple qui montre l’intérêt de la séparation des problèmes, les possibilités de réutilisation et d’exploration avec un système abstrait. Quand le premier auteur, Edmund Harriss, a conçu ses alliances [voir image ci-contre], il a pris un motif de tissage qu’il avait dessiné sur l’ordinateur et il l’a tissé en cuivre. Le tissage était enroulé sur un anneau, et les surcoupes remplies d’époxy, de sorte à créer les alliances à partir d’un moule en sable. Il ne restait qu’à les polir pour les terminer.

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Alliances moulées au sable, conçues à partir d’un motif tissé © Edmund Harriss

15 Ce simple procédé pouvait être répété, non seulement avec un seul, mais avec n’importe quel motif tissé qu’on pourrait concevoir. Le code informatique utilisé pour concevoir les motifs de tissage comprend aussi un espace d’entrée, des permutations mathématiques, à partir duquel il produit des motifs de tissage. On peut voir le processus de la sorte :

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16 Dans ce cas, les opérations sont bien plus concrètes que celles que l’on a évoquées plus haut. Elles exigent cependant toujours un certain effort pour être développées. En considérant ce petit modèle, nous nous retrouvons toutefois avec un système bien plus flexible. La permutation pourrait être modifiée en input sans induire de nouveaux frais de développement (il y aura bien sûr toujours des frais de production). On peut donc renvoyer à la fin du processus un aspect essentiel de la conception finale des alliances. En outre, comme les deux méthodes sont séparées, il serait possible d’introduire une méthode plus élaborée de création de motifs de tissage. Ils pourraient ensuite être transformés en alliances en réutilisant des parties de ce processus. De la même façon, le script permettant de créer des motifs de tissage pourrait être employé différemment.

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17 Par exemple, un script pourrait transformer les motifs de tissage en modèles tridimensionnels, permettant d’explorer rapidement une plus grande variété de motifs différents (voir image ci-dessous). L’approche abstraite sépare le problème en différentes parties et fait apparaître le potentiel pour des développements ultérieurs. La théorie des catégories fournit une approche générale d’une telle pensée.

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Un ensemble de motifs de tissage créés par un processus automatique à partir de permutations mathématiques © Edmund Harriss

Le jeu de la théorie des catégories

18 Au cœur de la théorie des catégories, on trouve trois idées simples : des espaces, considérés comme des objets en eux-mêmes ; des correspondances entre les espaces ; les structures préservées par les correspondances. Seuls les éléments (les points ou les mots) sont l’objet réel de la théorie, ainsi que les flèches entre eux. Par exemple, avec trois éléments et deux flèches, on peut dessiner trois objets différents.

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19 Si les objets étaient distincts, on pourrait choisir comment ils correspondent aux trois points, bien sûr. En disposant de ces schémas pour représenter vos idées et les relations entre elles, vous pouvez maintenant vous interroger, par exemple vous demander si deux ensembles ont la même structure, quelles questions utiles une forme peut-elle transférer à l’autre ? Une autre interrogation standard est de se demander quelles flèches manquent. Pour en arriver là, il nous faut réfléchir d’un peu plus près aux flèches.

Chaque flèche est définie par trois choses, le domaine, l’espace à partir de laquelle elle établit la correspondance, le codomaine, l’espace dans lequel elle envoie les éléments, et une règle ou une méthode qui à chaque élément du domaine associe un élément du codomaine. Comme dit précédemment, cette règle doit viser à produire un output unique et cohérent pour tout input. Une flèche naturelle doit décrire un processus, mais cela peut être répété, la règle naturelle est à reculons, ramenant le produit au plan génératif.

Une fois les flèches définies, on s’interroge sur les flèches manquantes. Dans le triangle précédent, les flèches possibles vont du point supérieur à celui du bas. L’image du centre est peut-être la plus simple. Les flèches peuvent être naturellement combinées. Si le codomaine d’une correspondance est le même que le domaine d’une autre, on peut alors créer une troisième correspondance. Par exemple, si l’on a une correspondance entre les classes et le numéros des salles et une autre des numéros des salles au nombre de gens dans une classe, on peut combiner les deux et obtenir une nouvelle correspondance qui donne le nombre de gens dans une classe.

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20 De sorte que dès qu’une flèche arrive quand une autre part, elles peuvent être combinées. Cela crée deux routes entre un espace et un autre. Dans ce cas, par définition, les deux routes produisent le même résultat. Si toutes les routes suivant des flèches autour du diagramme donnent le même résultat, on dit que le diagramme commute.

Le troisième concept est peut-être le plus important. Les espaces qu’on envisage sont dotés d’une certaine structure. Les correspondances les plus intéressantes sont celles qui préservent tout ou partie de cette structure. Un exemple élémentaire pourrait être la transposition d’un morceau de musique. Même si le morceau qui en résulte est certainement différent, il conserve toute la structure de l’original. Les dessins d’architecture possèdent une qualité semblable, même si, dans leur cas, lorsqu’on applique la correspondance (depuis l’espace des bâtiments possibles), seule une partie de la structure est préservée. L’intérêt des dessins tient à ce que la structure préservée est très importante.

Dans l’un comme l’autre exemple, l’idée de structure préservée va encore plus loin. Les opérations dans le domaine correspondent à des opérations dans le codomaine. Par exemple, le changement de notes dans un morceau de musique correspond à un changement similaire dans la version transposée. Prenez le diagramme suivant :

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21 Les opérations qui changent les notes en clé de la et en clé de fa seront différentes, mais la même opération appliquée aux deux morceaux en la correspondra à la même opération sur les morceaux transposés. En outre, en partant d’un morceau en haut à gauche et en suivant l’un des deux chemins, on aboutira au même morceau en bas à droite.

Dans certains cas, la correspondance induit la perte d’une partie de la structure, par exemple quand on envoie l’exécution d’un morceau sur la partition employée. L’exécution introduit de nombreux facteurs qui ne sont pas présents dans la partition, mais les changements dans l’exécution correspondent pourtant à des changements de la partition. Il en va de même du dessin pour les designers, il s’agit du moyen de représenter suffisamment de la structure d’une idée pour qu’elle puisse être communiquée à quelqu’un d’autre. C’est uniquement possible quand la correspondance qui va des idées présentes dans la tête de quelqu’un aux dessins préserve la bonne quantité de structure. La majorité des correspondances et des traductions que nous utilisons intuitivement dans la vie ont effectivement cette propriété de conservation d’une partie ou de toute la structure. On pourrait facilement croire que c’est toujours le cas, que simplement parce qu’on a une correspondance, elle préserve la structure. Il est par conséquent important d’envisager les propriétés structurelles indépendamment des règles de construction de la correspondance.

Pour que la discussion qui précède soit vraiment correcte au plan mathématique, il faut faire très attention aux flèches et à leurs propriétés. Cela introduit une autre variété de jeux passionnants, garantissant que chaque élément du domaine est vraiment relié à une chose unique, ainsi qu’à la question de savoir comment les flèches peuvent être inversées.

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La théorie des catégories en action

Maur [830] © Bibliothèque du Vatican

22 Cette image provient de la cour de Charlemagne, elle montre Jésus sur la croix, entremêlé d’un ensemble de poèmes. Elle est tirée de Louanges à la Sainte Croix, de Raban Maur, v. 830 [Maur830]. On obtient une petite idée de correspondance avec deux flèches, depuis le texte vers la position et de l’image à la position :

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23 Ce triangle n’offre pas de flèches supplémentaires par combinaison, puisque la position est le point d’arrivée des deux, pourtant la question de la troisième flèche se pose évidemment, avec même deux options :

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24 Dans l’un comme l’autre diagramme, la nouvelle flèche pourrait se combiner avec une précédente pour produire une flèche entre deux espaces. Pour obtenir un diagramme qui commute, il faut que cette flèche soit la même. En d’autres termes (en prenant la version de gauche), partant du texte vers l’image, puis vers la position, on devrait toujours obtenir la même position que si on allait directement du texte à la position. En d’autres termes, quand on remarque que la position et le texte existent ensemble, on soulève la question naturelle du lien entre texte et image à différentes positions. Les mots plus sombres au bord du corps renforcent cette correspondance et forment eux-mêmes des sous-poèmes alors que les lettres qui les composent sont eux-mêmes intégrées à un poème plus long.

Le langage et l’image elle-même évoquent d’autres concepts, en particulier (et ce n’est pas surprenant, étant donné le contenu de l’image) les notions de l’humain et du divin. Dans un triangle au centre de l’image, des lettres noires épèlent « DEO », une flèche qui va clairement du divin au texte :

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25 Cette flèche se combine avec celle qu’on a établie précédemment pour lier une idée du divin à des positions sur l’image. Ces trois positions sont toutefois situées sur les mamelons et le nombril de la figure, des aspects du corps parmi les plus humains. En fait, on ne sait pas vraiment si le nombril O relève du texte ou de l’image. Ce sont donc des positions qui font partie de la flèche :

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La combinaison des deux diagrammes nous donne :
 

26 Ce qui conduit à une question plus subtile : y a-t-il une flèche qui fasse correspondre le divin à l’humain en combinant la flèche de l’humain à l’image pour produire le même résultat que notre parcours à partir du divin, vers le texte et puis vers l’image ? Cette question, qui provient simplement de l’identification et de la combinaison des flèches, nous fait passer de l’image à l’une des méditations centrales de la chrétienté, et nous conduit indubitablement aux intentions des artistes lors de la création de l’image. Cette image et ce texte deviennent une énigme quant à la position et à l’établissement d’autres liens, idées et interrogations. Il est possible d’y réfléchir séparément sans grande difficulté, mais on peut se perdre dans les abstractions. La création de diagrammes fournit un moyen d’envisager et de découvrir d’autres liens plus ténus, de repérer des point communs entre les liens (quand le même diagramme se répète), et davantage [Coon16].

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Fabrication assistée par ordinateur (FAO)

27 La correspondance la plus simple qu’on peut envisager ici est celle qui relie l’espace des objets physiques à l’espace des mouvements de la machine. La correspondance part d’un objet et donne une liste d’instructions à la machine qui doit créer cet objet. Dans la plupart des cas, il s’agit de l’approche la plus pratique et effectivement de la configuration utilisée dans la plupart des logiciels de FAO. Quand ils commencent à utiliser une machine, cependant, de nombreuses personnes pensent différemment : « Comment est-ce que je peux faire faire ce mouvement à la machine ? », en faisant un geste de la main. Cette sorte de contrôle n’est pas possible avec cette correspondance unique, dans la mesure où cela demande un nouvel espace, celui du parcours des outils dans l’ordinateur. Cet espace fournit une représentation très naturelle des mouvements géométriques que la machine va effectuer, ce qui donne une très bonne représentation. La correspondance originale peut être recréée sous forme de correspondance entre les objets physiques et les parcours des outils. La correspondance entre parcours d’outils et instructions de la machine peut alors servir à générer les instructions de la machine :

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28 Ce nouvel espace intermédiaire a l’avantage de rendre les déplacements de la machine transparents puisqu’il conserve les mouvements réels de la machine, plutôt que la géométrie de l’objet fini. En outre, il introduit la possibilité de créer de nouveaux usages de la machine en remplaçant la correspondance entre objet physique et parcours d’outil. Par exemple, la forme du parcours peut être utilisée pour donner pour modeler la surface de l’objet fini.

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29 Un exemple moins concret d’application de la théorie des catégories nous vient du biomimétisme [W-T09], qui établit des correspondances entre formes naturelles et architecturales. Cela a classiquement été réalisé pour des formes statiques, comme les structures porteuses de la Sagrada Familia à Barcelone, en forme d’arbre. Pour véritablement comprendre et imiter le processus, il faut toutefois aller au-delà des formes et commencer à explorer les algorithmes utilisés par la nature. Plutôt que de produire des formes qui ressemblent à un arbre, on peut en produire qui croissent de la même façon. On établit une correspondance entre le motif de croissance d’un processus naturel et un algorithme qui peut être utilisé à la main ou sur un ordinateur [PL91]. Comprendre cette mise en correspondance et la structure qu’elle préserve permet alors au designer d’entrer en jeu. Non seulement d’utiliser le système pour générer un ensemble de possibilités à partir desquelles faire son choix, mais pour contrôler le processus, découvrir des exemples beaux et surprenants.

Ces possibilités sont développées dans le travail d’Achim Menges. Il prend les propriétés par lesquelles les matériaux naturels comme le bois trouvent leur forme et crée une maquette informatique qui imite la structure essentielle. Cela produit deux espaces, les constructions matérielles et le modèle informatique, avec une correspondance entre eux. La maquette informatique permet une exploration facile de l’espace du design, mais de nombreuses règles auxquelles il se conforme copient celles de l’original. En conséquence, la construction ne demande pas un travail complexe puisque les règles qui la régissent sont déjà incorporées dans les matériaux employés [Menges12]. Son pavillon en bois cintré constitue un exemple remarquable [FKLMS12].

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Vues de la structure en bois cintré d’Achim Menges et de la maquette informatique. Les systèmes sont conçus de sorte à ce qu’un cintre de l’un corresponde à un cintre de l’autre. Source : http://www.achimmenges.net/?p=4443 © Achim Menges

30 La structure essentielle entre les deux espaces tient ici à la façon dont les objets (la maquette ou le bois) peuvent être courbés. Chaque mouvement dans la maquette informatique correspond à un modèle en bois et réciproquement :

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31 Cette correspondance bien établie entre des espaces différents, qui préserve la bonne structure, contribue à la fois au processus de construction et permet de construire facilement de nouvelles formes.

Dans ce cas, la correspondance est fournie par la nature et les gens explorent la connexion qu’elle établit entre des espaces. Un algorithme généré par des humains peut sinon permettre de sélectionner différentes formes suivant des contraintes données. Cette forme peut ensuite être optimisée en tenant compte des données naturelles. Le « Cornichon » [The Gherkin] de Foster, le Swiss Re Building, constitue un exemple tout à fait représentatif de cette pensée. Le bâtiment a été conçu comme un maquette paramétrée qui pouvait varier tout en restant conforme à l’idée principale de l’architecte. Cet espace des bâtiments potentiels a ensuite été exploré pour déterminer lesquels seraient les mieux adaptés aux conditions climatiques. Cela donne lieu à deux correspondances, depuis l’espace des paramètres à celui des formes de bâtiment, puis de ces derniers aux chiffres, évaluant les performances en fonction de données météorologiques :

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32 On peut alors sélectionner le bâtiment avec les performances optimales. Le processus d’optimisation créé une nouvelle correspondance entre les conditions climatiques et les paramètres optimaux :

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33 Du fait de l’optimisation, la correspondance entre météo et bâtiment préserve effectivement la structure. Dans des conditions climatiques différentes, la forme du bâtiment change.

On pourrait encore davantage fragmenter l’optimisation, ce qui nécessiterait de créer une correspondance entre la météo et le modèle informatique dans lequel il serait possible d’introduire le modèle du bâtiment. Cela pourrait constituer un modèle standard bénéficiant de la connaissance scientifique de la météo. L’ordinateur est à nouveau essentiel pour exploiter ces connaissances. C’est dans l’ordinateur que les différents espaces et correspondances entrant en jeu se multiplient. Chaque format de fichier détermine son propre espace abstrait et chaque application fournit une grande variété de correspondances. Différents formats couvrent souvent des espaces similaires, de sorte qu’il faut établir des correspondances entre eux et chercher à s’assurer que la structure nécessaire est préservée. Envisagés de la sorte, des flux de travail complexes peuvent être décrits par des correspondances et, s’ils sont intégrés à un projet plus général, considérés par la suite comme une correspondance unique. Certaines de ces correspondances peuvent s’insérer dans un projet de conception plus général. La théorie des catégories fournit par conséquent une métaphore unique pour des parties souvent très différentes du processus de conception.

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34 L’utilisation des logiciels peut toutefois s’avérer limitante, puisque les seuls espaces et correspondances disponibles sur l’ordinateur sont ceux qui sont définis par d’autres. Pour pouvoir réellement explorer de nouveaux espaces et de nouvelles correspondances, la programmation est nécessaire. Des environnements de programmation visuelle comme le plugin Grasshopper de Rhino constituent une façon idéale d’explorer de nouvelles idées. Dans ces systèmes, les espaces et les correspondances sont envisagés explicitement, même si l’ordre est renversé par rapport à celui qui est donné précédemment. Les boites donnent les correspondances et les lignes qui les relient transportent les espaces. Par exemple, prenons une fonction mathématique, utilisons-la pour générer un ensemble de points, les transformer en courbe dans l’espace et enfin produire un tuyau tridimensionnel. On peut décrire ce processus dans les diagrammes suivants :

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35 Le même ensemble d’espaces et de correspondances implémenté dans Grasshopper ressemblerait à ça :

36 Toutes ces méthodes soulèvent la question de l’auctorialité. A quel moment est-elle transférée du créateur d’un algorithme à son utilisateur ? Une façon de répondre à cette question est de considérer les espaces et les structures qui entrent en jeu. Il est clair que dans le cas d’un espace très simple, comme celui des modèles paramétrés du Gherkin, aucun volume d’expérimentation en pourra retirer au concepteur de l’algorithme sa paternité. D’un autre côté, un espace général comme celui des objets tridimensionnels qui peuvent être explorés par des logiciels de modélisation 3D donnerait presque invariablement tout le mérite à l’utilisateur. Il existe un juste milieu plus difficile à trouver. Quand les gens commencent à comprendre un environnement comme Grasshopper, ils tendent à produire des designs assez similaires à ce qu’ils faisaient précédemment. Ce sont en quelque sorte des originaux dérivés. L’espace des possibilités facilement accessibles qu’ouvre le logiciel contient certains sommets esthétiques qui attirent beaucoup de gens. De telles créations peuvent même ne pas avoir d’auteur clairement identifié si malgré leur répétition elles vont au-delà des attentes de l’auteur du logiciel en matière de design. Il n’appartient sans doute pas à la théorie des catégories de résoudre ces questions, mais elle offre une façon de les envisager.

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Quelques pistes philosophiques

37 Les idées qu’on examine ici s’ancrent dans une théorie de la perception, et l’idée de mathématiques comme système de perception est mise en forme dans le classique Rivers and Tides d’Andy Goldworthy [RG2006], qui part d’observations simples pour plonger dans des modèles à la fois métaphoriques et scientifiques du paysage. Cela amène à une notion de mathématiques appliquées à l’art, au contraire des formes plus pures d’une bonne partie de l’art mathématique [HSC19].

Cette réflexion elle-même se rattache aux jeux académiques d’Alfred Jarry et du Collège de ‘pataphysique [Hugill12, Bok01]. En mettant ici les correspondances et les diagrammes au service de la rigoureuse subjectivité de l’art, on pourrait proposer un modèle possible de la pataphysique, « science du particulier » [Jarry 65]. C’est un sujet qui aime jouer sur ses propres définitions et à établir des contradictions entre ces mêmes définitions. L’idée d’une science du particulier en constitue un exemple classique. Le particulier rend superflue la méthode scientifique, qui nécessite la répétition et donc la généralité. Une autre tentative de ce qui est en apparence une définition amène cependant à une approche relevant de la théorie des catégories. Si la ‘pataphysique est à la métaphysique ce que la métaphysique est à la physique [Jarry 65], on a une flèche entre pataphysique et métaphysique, ainsi qu’une correspondance entre métaphysique et physique. Pourtant nous comparons ici directement les correspondances. Associer les deux flèches implique que l’on considère un espace plus vaste de mondes abstraits qui contienne la physique, la métaphysique et la pataphysique. Cet espace possède aussi une flèche vers lui-même qui envoie la physique vers la métaphysique et la métaphysique sur la pataphysique. On peut alors se demander ce qui arrive à la pataphysique ? En déroulant la chaîne, on trouve alors une étrange hiérarchie :

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38 Même si certains diraient peut-être que c’est exactement ce qu’implique l’apostrophe au début de ‘pataphysique, et qu’on ne peut par conséquent pas aller plus loin. Cela souligne à la fois une force et une faiblesse de la théorie des catégories, sa capacité à l’autophagie, en prenant des catégories (ou des espaces) de catégories, etc. et donc à suivre le lapin blanc dans son terrier d’abstraction.

Une question plus sérieuse tient à la nécessité de comprendre le monde actuel et le rôle de plus en plus central qu’y jouent l’abstraction et les algorithmes. Si les mathématiques techniques y jouent clairement un rôle, il faut aussi comprendre plus largement leurs conséquences sur la société. Pour comparer avec les mathématiques du positivisme logique, Matthew Handelman décrit la nécessité (et l’utilité) de mathématiques négatives pour critiquer et étudier ces conséquences sociales [Handelman19]. Il est vrai qu’on voit émerger de puissants exemples de ces critiques, comme avec Weapons of Math Destruction de la mathématicienne Cathy O’Neil [O’Neil18] et les appels à une ré-humanisation dans l’enseignement des mathématiques [GG18].

La notion de théorie des catégories elle-même comme système pouvant être utilisé au-delà du domaine des mathématiques est bien installée. Pour ceux qui souhaitent développer plus avant ces idées, Conceptual Mathematics de William Lawvere et Stephen Schanuel [LS98] introduit une approche plus détaillée, visant un lectorat plus général. On trouve une lecture plus philosophique avec Mathematics of the Transcendental d’Alain Badiou [Badiou14]. Le livre d’Eugenia Cheng, How to Bake Pi, propose une perspective pleine d’entrain [Cheng16].

Pour finir, nous revenons à la notion d’exploration de structures plus simples. Cela peut avoir un autre grand avantage, montrant que des processus apparemment distincts sont intimement liés. Les nombres eux-mêmes en constituent un exemple. Nous n’avons pas de systèmes séparés pour les moutons, les chèvres et les tasses de café. En apprenant à compter une fois, on peut appliquer le système à tout. En termes de théorie des catégories, on obtient une correspondance entre :

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39 Cette correspondance respecte la structure, puisque l’opération consistant à combiner deux ensembles en un plus grand correspond à l’addition de leur dénombrements respectifs. Cette idée a été développée pour des systèmes plus complexes par Gilles Deleuze dans son concept de mise en diagrammes [Deleuze12]. Manuel DeLanda propose un exemple en envisageant les cristaux et les bulles [Delanda00]. Ce sont des objets assez différents. Il semble au départ que les règles déterminant la position des atomes dans chaque forme soient distinctes. Pourtant, lorsque ces interactions atomiques sont envisagées en termes de minimisation de l’énergie, il apparaît que les deux ensembles de règles ont essentiellement une structure commune :

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40 Dans le même esprit du jeu que nous avons décrit plus haut, nous espérons que vous songez déjà aux correspondances possibles entre troupeaux, cristaux et bulles. Pour un artiste ou un concepteur, la capacité à repérer que deux systèmes différents présentent des similitudes importantes est essentielle. Elle permet de réduire la quantité de travail nécessaire et suscite des nouvelles avancées surprenantes lorsque les intuitions et les idées de chaque domaine sont traduites dans l’autre.

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Bibliographie

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http://www.antiatlas-journal.net/pdf/03-une-ebauche-theorie-des-categories-a-destination-designers

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