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antiAtlas #5 - 2022

UNE ETHNOGRAPHIE AÉROPORTUAIRE DES EXPULSIONS VOLONTAIRES : LES RETOURS VOLONTAIRES ASSISTÉS PAR L'OIM DEPUIS LA GRÈCE

Katerina Rozakou

Résumé : Cet article est une ethnographie des expulsions volontaires menées dans l'aéroport international d'Athènes par l'OIM Grèce en collaboration avec la police grecque. En explorant les différents acteurs impliqués et les mondes sociaux de l'aéroport, il met en évidence le caractère conflictuel de cet espace relationnel aux mobilités inégales. Katerina Rozakou est professeure assistante d'anthropologie sociale à l'université Panteion des sciences sociales et politiques à Athènes. Elle a mené des recherches sur la solidarité, l'humanitarisme, la migration, la bureaucratie et l'État en Grèce. Mots-clés : expulsions volontaires, aéroport, OIM, espace, ethnographie, migration antiAtlas Journal #5 "Expulsions par voie aérienne" Dirigé par William Walters, Clara Lecadet et Cédric Parizot Design Thierry Fournier Secrétariat de rédaction Maxime Maréchal antiAtlas Journal Directeur de la publication Jean Cristofol Directeur de rédaction Cédric Parizot Directeur artistique Thierry Fournier Comité de rédaction Jean Cristofol, Thierry Fournier, Anna Guilló, Cédric Parizot, Manoël Penicaud

Photo Katerina Rozakou, août 2021

Pour citer cette article: Rozakou, Katerina, "An Airport Ethnography of Voluntary Deportations, IOM Assisted Voluntary Returns From Greece", publié le 1er juin 2022, antiAtlas #5 | 2022, en ligne, URL : www.antiatlas-journal.net/05-rozakou-une-ethnographie-aeroportuaire-des-expulsions-volontaires, dernière consultation le Date

Ι. Introduction

1. Immobilisée sur la route de l'aéroport

1 Un vendredi du début de l'année 2016. Je suis censée être en route vers l'aéroport international Eleftherios Venizelos d'Athènes pour assister à l'une des opérations de retour volontaire assisté (RVA) de l'OIM. Au lieu de cela, je suis bloquée à dix kilomètres du terminal des départs et je ne pense pas arriver à l'A1 (première entrée de la zone A pour les destinations non-Schengen) avant 13 heures. C'est le rendez-vous fixé entre le personnel de l'OIM et les rapatrié·es qui voyagent ce jour-là. Immobilisée dans un embouteillage de 4 km causé par le blocage de l'autoroute par les agriculteurs, j'écoute ce qui est dit à la radio de la manifestation devant le parlement grec prévue pour l'après-midi. Le journaliste informe le public que les protestations concernent les hausses d'impôts et les réformes des retraites prévues. Ces réformes font partie des mesures imposées par le plus récent programme d'ajustement économique de l'UE et du FMI, l'un des mémorandums, comme on les appelle communément, qui ont été imposés aux gouvernements grecs depuis 2010, lorsque le pays a fait appel au FMI et à l'UE pour faire face à la crise de la dette. L'austérité de ces six dernières années a conduit à l'appauvrissement rapide et au déclin violent des classes moyennes, à l'augmentation du taux de chômage, aux changements de statut social et à la restructuration de la vie quotidienne. (Dalakoglou et Agelopoulos, 2018). Alors que je suis coincée dans ma voiture, je me rends compte que les rapatrié·es de cet après-midi qui se prévalent du programme de RVA de l'OIM, sont probablement dans une situation similaire. J'imagine leur exaspération et je pense à eux et elles transportant des bagages surdimensionnés avec des appareils électroménagers, des cadeaux et des marchandises collectées après des années de vie et de travail en Grèce, et aux autres qui ne portent qu'un petit sac à dos et sont sur le point de rentrer après quelques mois dans le pays et une tentative infructueuse de rejoindre « l'Europe » ; les pays d'Europe occidentale et septentrionale. J'imagine leurs familles et ami·es attendant dans les aéroports de Casablanca, Dhaka, Kaboul, Nairobi et Téhéran ou dans la gare routière d'une petite ville. Je m'interroge sur les dispositions de réservation que l'OIM doit prendre avec Egyptair, Qatar Airways, Emirates, Gulf Air et les autres compagnies aériennes avec lesquelles l'organisation coopère pour mettre en œuvre ses programmes de RVA. Attente vaine à l'aéroport Ma pensée va aux rapatrié·es détenu·es qui participent au programme de RVA de l'OIM et qui devront retourner dans l'horrible centre de rétention de Petrou Ralli à Athènes, où ils et elles n'ont droit qu'à une heure dans la cour et n'ont pas de téléphone portable. Je pense au peu, voire à l'absence, d'informations qu'elles et ils recevront sur les raisons pour lesquelles leur retour est reporté. Je ne peux qu'imaginer leur incertitude quant à ce qui va se passer ensuite. Enfin, je visualise la colère et le désagrément des policier·es qui escortent ces personnes, et de l'équipe de l'OIM qui attendra en vain à l'aéroport. Je connais les principes temporels fondamentaux des mobilités aéroportuaires et aériennes. Les règles sont inflexibles : celui qui n'arrive pas à l'heure au rendez-vous ne voyagera pas aujourd'hui. Le strict respect de l'horaire est un élément essentiel des modalités aéroportuaires. Devant moi, le bus X95 de l'aéroport d'Athènes (qui transfère les personnes du centre d'Athènes) est également immobile. Après une demi-heure d'attente, quelques passager·es intrépides décident de sortir du bus et de parcourir à pied les 10 kilomètres qui les séparent de l'aéroport en traînant leurs valises derrière eux. Je me demande si certain·es d'entre eux rentreront "chez eux" avec l'OIM ce jour-là, mais je ne décèle aucun des sacs en plastique blanc portant le logo de l'organisation. suite...

Aéropot Eleftherios Venizelos d'Athènes, Giorgos Frigkas, août 2021

2. Une ethnographie aéroportuaire des expulsions volontaires

2 Cet article présente une étude anthropologique des expulsions (Coutin 2015, Peutz 2006) par le biais d'un récit phénoménologique des retours « volontaires » et, en particulier, du programme de RVA (Retour Volontaire Assisté) appliqué par l'OIM (Organisation internationale des migrations) Grèce en collaboration avec la police grecque. Dans la lignée de récentes études critiques (par exemple, Kalir, 2017), les retours de l'OIM sont ici abordés comme des expulsions « douces » ou « volontaires » dont le caractère prétendument libre dépolitise l'expulsion et dissimule leur essence forcée sous un masque de bienveillance et d'humanitarisme. Au cours de mon travail de terrain, l'aéroport n'a cessé d'apparaître sur la scène comme étant plus que le simple cadre de ces procédures et l'étape finale où l'expulsion des migrant·es illégalisé·es était mise en œuvre. L'aéroport est souvent considéré comme un lieu fluide et temporaire ou un « non-lieu », un terme forgé par Marc Augé (1995) en contraste avec le lieu anthropologique d'une culture délimitée sur le plan autant territorial que culturel (Augé, 1995 : 34). Les non-lieux sont des points de transit non relationnels, a-historiques et sans identité, tels que les hôtels et les camps de réfugié·es, les centres de vacances et les aéroports, entre autres, qui prolifèrent dans la supermodernité. Comme le dit Augé, « l'espace du non-lieu ne crée ni identité singulière ni relations, mais seulement de la solitude et de la similitude ». (Augé, 1995: 103). suite...

Voyageur·ses dans l'enceinte de l'aéroport. Photo Katerina Rozakou, août 2021

3 Le voyageur d'Augé trouve du réconfort dans les infrastructures et les procédures familières de ces non-lieux que sont les aéroports du monde entier. Mais l'aéroport accueille également les trajectoires de « Monsieur tout-le-monde » ou de « cosmopolites forcés » (Agier, 2016), des personnes qui, dans le cas examiné dans cet article, ont défié les frontières mais sont finalement « volontairement » expulsées. Pour le ou la citoyen·ne du monde privilégié·e, l'aéroport est un lieu familier et la mobilité sans entrave et accélérée fait partie de son capital symbolique et constitue le signifiant d'un « surcroît de droits » (Balibar, 2002, 83). Pour la plupart des rapatrié·es de l'OIM, le trajet de leur déportation volontaire est aussi leur premier voyage en avion. La plupart d'entre eux et elles sont arrivé·es dans le pays après de périlleux voyages terrestres et maritimes. De nombreuses fois, leurs trajectoires ont été ralenties et accélérées au-delà de leur contrôle dans des moments de précipitation (Rozakou, 2020) et dans le processus de retour – hélas « volontaire ». Un espace de mobilités différentielles et inégales En dépit de sa fluidité et de son caractère éphémère en tant que lieu temporaire de mobilité, l'aéroport ne peut être considéré comme un espace vide de sens ou sans relation, ni comme un « non-lieu ». Je m'inspire ici de la critique de Doreen Massey à l'égard de la distinction binaire entre un espace abstrait et dénué de sens et le lieu significatif du vécu au quotidien. En suivant sa théorisation, je considère l'espace comme une constellation de différentes trajectoires qui est perpétuellement en construction (Massey, 2005). J'aborde donc l'aéroport comme un espace de mobilités différentielles et inégales, à la fois socialement différenciées et inégalement vécues (Massey, 1993). L'article s'appuie également sur le concept de « socialité aéroportuaire » de Brenda Chalfin (2008), qui s'intéresse à l'interaction entre des acteurs disparates et des forces mondiales et locales actives à l'aéroport. suite...

4 L'aéroport est la frontière où divers acteurs se rassemblent, agissent et se croisent : les policier·es, les fonctionnaires de l'OIM, les personnels des compagnies aériennes et l'administration (privée) de l'aéroport, ainsi que les diverses autres personnes qui y sont logées et le fréquentent. Comment les agents étatiques, intergouvernementaux et du secteur privé interagissent-ils, coopèrent-ils, se concurrencent-ils et se contestent-ils mutuellement dans le processus de retour ? Quelles tensions découlent de leur cohabitation ? Comment le commerce florissant de l'expulsion, la crise d'austérité et une aura cosmopolite coexistent-ils à l'intérieur de l'aéroport d'Athènes ? D'innombrables trajectoires qui se croisent. Massey conceptualise l'espace comme étant construit par et à travers l'entrelacement de diverses trajectoires. Elle décrit ces rencontres fortuites comme le fait d'être « jeté·es ensemble » (throwntogetherness), qui ouvre des espaces de négociation et de contestation et forme la politique relationnelle de l'espace (Massey, 2005). Dans le cas de l'aéroport examiné ici, ce fait d'être jeté·es ensemble ne se limite pas aux mobilités apparemment inégales de la ou du voyageur·se privilégié·e et du ou de la migrant·e indésirable « volontairement  » expulsé·e, mais elle inclut d'innombrables trajectoires qui se croisent : le ou la visiteur·se aléatoire de l'aéroport, les manutentionnaires de l'aéroport et les employé·es des compagnies aériennes, les vendeur·ses des boutiques commerciales de l'aéroport, la ou le vendeur·se de billets de loterie, les sans-abri qui arrivent au crépuscule pour trouver refuge pendant la nuit, et de nombreux autres parcours qui coexistent informant la multiplicité et la simultanéité de l'espace. Je considère que ces mobilités s'inscrivent dans des relations de pouvoir et des hiérarchies persistantes, tout en les remettant en question et en les négociant, même dans le lieu de surveillance et de contrôle par excellence qu'est l'aéroport (Adey, 2004). L'aéroport international Eleftherios Venizelos d'Athènes a été inauguré en mars 2001 et faisait partie des travaux d'infrastructure réalisés dans la région en prévision des Jeux olympiques d'Athènes de 2004. Au début des années 2000, la Grèce était un pays en pleine mutation, et optimiste. Avec d'autres ouvrages d'infrastructure, il est un rappel de l'ère de croissance économique et de richesse du pays, un emblème clé de la modernisation accomplie du pays (Gefou-Madianou, 2018). En même temps, l'aéroport d'Athènes est un produit de l'exploitation d'une main-d'œuvre migrante illégale (Cheliotis, 2017) mettant en évidence l'articulation complexe géométrie-pouvoir de la politique spatiale (Massey, 2005). L'espace de l'aéroport est donc non seulement construit dans cette simultanéité multiple des relations sociales, mais aussi au-delà du présent et du local, à travers une « simultanéité d'histoires-qui s'entrechoquent » (Massey, 2005 : 24). Il est informé par l'ère passée de croissance économique en Grèce et la crise d'austérité en cours. L'espace de l'aéroport est fait (littéralement) par le travail exploité des migrant·es illégalisé·es qui, dans cet article, sont volontairement renvoyé·es pendant la crise d'austérité, mais aussi par les innombrables histoires qui composent l'aéroport international d'Athènes en tant qu'espace culturellement et historiquement spécifique. suite...

3. Méthodologie

5 Entre 2014-2016, j'ai mené des recherches dans les centres d'enregistrement, de pré-renvoi et d'accueil ouvert pour migrant·es, la Direction des étrangers de l'Attique et les commissariats de police, les locaux des ONG, les campagnes contre la détention et l'expulsion, et les initiatives de solidarité. J'ai eu des discussions informelles et des entretiens avec des agents de police, des garde-côtes, du personnel d'ONG et d'OIG, des bénévoles et des activistes. Dans le cadre de ma recherche sur le programme de RVA de l'OIM, j'ai combiné l'observation participante dans les locaux de l'OIM, des conversations informelles et des entretiens officiels avec des fonctionnaires de l'OIM. Enfin, j'ai également discuté avec des migrant·es qui ont participé aux programmes de RVA et des agents de police qui ont collaboré avec l'OIM lors de la mise en œuvre des opérations de retour. Les epofeloumenoi du programme de RVA de l'OIM (« bénéficiaires », comme ils sont officiellement nommés par l'OIM en suivant le vocabulaire humanitaire dominant) étaient soit des migrant·es détenu·es dans des centres de rétention avant renvoi, soit des migrant·es non détenu·es qui étaient constamment escorté·es par des employé·es de l'OIM et des agents de police jusqu'à leur porte de départ. Afin de protéger l'anonymat de mes participant·es à la recherche, certains éléments concernant la période spécifique de la recherche et les profils de mes interlocuteur·rices ont été modifiés. Accéder à l'aéroport est extrêmement difficile si l'on considère qu'outre les restrictions d'accès auxquelles se heurtent plus largement les chercheur·ses étudiant les expulsions (Maillet, Mountz et Williams, 2016), l'aéroport est un espace hautement sécurisé (Adey 2004). C'est probablement une des raisons pour lesquelles, malgré la croissance impressionnante de l'étude des expulsions depuis les années 2000 (Drotbohm et Hasselberg, 2015), les infrastructures qui facilitent ces opérations restent largement invisibles. Finalement, j'ai eu l'occasion d'assister à plus de dix opérations de retour « volontaire » exécutées par le personnel de l'OIM et des agents de police, et j'ai eu un accès libre à toutes les étapes de cette procédure : des terminaux d'aéroport aux portes finales, en passant par la zone de rétention où les migrant·es détenu·es étaient gardé·es jusqu'à ce qu'ils et elles soient « volontairement » renvoyé·es et les fourgons de police qui transféraient les personnes retenues des centres de détention avant renvoi à l'aéroport. J'ai été introduite dans les mondes parallèles de l'aéroport. Au cours de mes visites, j'ai découvert les mondes parallèles de l'aéroport et leur intersection avec les expulsions douces. Les employé·es de l'OIM ont partagé avec moi les secrets de l'aéroport : les recoins où les sans-abris trouvent refuge la nuit, le prix de location extravagant des espaces commerciaux, l'homme qui vivait dans l'aéroport depuis quelques mois car il ne pouvait pas obtenir de documents de voyage pour retourner dans son pays. Bien qu'il soit un candidat idéal pour le programme de RVA de l'OIM, cet homme n'a pu en bénéficier. Comme les employés de l'OIM me l'ont expliqué, son cas était désespéré, car son pays d'origine - le Pakistan - ne collaborait pas à l'émission des titres de voyage. L'homme était un non-citoyen par excellence, rejeté à la fois par son pays d'origine et par l'État grec. suite...

Rencontres fortuites : foules bigarrées à l'intérieur de l'aéroport. Photo Katerina Rozakou, août 2021

II. Expulsions humanitaires

1. Le programme de RVA de l'OIM

6 « L'OIM reste convaincue que, lorsque cela est possible le RVA est la forme de retour la plus souhaitable étant donné qu'elle prend en compte la décision de l'individu et permet aux rapatrié·es de préparer leur retour tout en évitant les stigmates de l'expulsion et ses répercussions négatives. Elle peut également apporter une réponse viable et humanitaire aux migrant·es qui sont bloqué·es et souvent démuni·es. » (http://avrr.eg.iom.int/aboutus) « L'aide au retour volontaire et à la réintégration (ARVR) est un élément indispensable d'une approche globale de la gestion des migrations visant le retour et la réintégration ordonnés et humains des migrant·es qui ne peuvent ou ne veulent pas rester dans les pays d'accueil ou de transit et qui souhaitent retourner volontairement dans leur pays d'origine. » (OIM - Mission en Grèce 2019 : xviii) suite...

7 Le Comité intergouvernemental pour les migrations européennes (CIME) a été fondé en 1951 en tant qu'organisation visant à réguler les migrations sortantes d'Europe. En 1989, l'organisation a été rebaptisée Organisation internationale des migrations et était alors devenue une agence clé dans le domaine de la « gestion des migrations » (Venturas, 2015). En tant qu'organisation intergouvernementale, l'OIM assiste les gouvernements dans leurs plans de gestion des migrations. En même temps, comme l'indiquent les premiers extraits, le langage de l'humanitarisme et des droits humains est central dans l'autoreprésentation de l'OIM, ainsi qu'une source de légitimité éthique (Ashutosh et Mountz, 2011). Le bureau de l'OIM en Grèce Le bureau de l'OIM en Grèce fonctionne en vertu de l'Accord du 17 avril 1952 entre le gouvernement grec et l'organisation. L'histoire et les activités du bureau grec de l'OIM reflètent l'histoire de l'émigration du pays. Pendant de nombreuses années, la Grèce a été un pays d'émigration et au cours des premières décennies de son fonctionnement (jusqu'au milieu des années 1970), l'OIM Grèce (alors ICEM) a aidé plus de 140 000 émigrant·es de nationalité grecque à s'installer aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et autres pays d'outre mer. Au cours des années 1980, le bureau grec a organisé et mis en œuvre la réinstallation de 89 000 immigrant·es étranger·es (d'Europe de l'Est, du Moyen-Orient et d'Afrique) aux États-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Ce n'est qu'en 2010 que l'OIM Grèce a commencé à mettre en œuvre les activités d'AVRR (Aide au Retour Volontaire et Réintégration) en coopération avec les autorités grecques (principalement la police). Entre 2010 et 2017, plus de 35 000 bénéficiaires ont participé aux programmes de l'OIM et sont retourné·es dans leur pays d'origine. Au total, l'OIM Grèce a effectué plus de 40 000 « retours volontaires » entre 2012 et 2017. suite...

8 Les projets de RVA de l'OIM ont été financés par le FER (Fonds européen pour le retour) et le ministère grec de l'Ordre public et de la Protection des citoyens (2010-2015)], le gouvernement du Royaume-Uni (2012-2016), les subventions de l'EEE (Islande, Lichtenstein, Norvège) (février 2012-janvier 2013), le Secrétariat d'État suisse aux migrations (décembre 2014-septembre 2015), la Direction norvégienne de l'immigration (juillet-septembre 2015) et les fonds d'urgence de l'AMIF (Fonds pour l'asile, la migration et l'intégration) (décembre 2015-mai 2016) (OIM-Mission en Grèce 2019). Dans de nombreux cas, les programmes de RVA de l'OIM ont suivi des quotas sur les nationalités des rapatrié·es (comme dans les programmes financés par le gouvernement britannique, par exemple). A d'autres moments, on a accordé la priorité à des nationalités spécifiques, suivant les directives du gouvernement grec. Les projets de RVA de l'OIM Les migrant·es qui ont pris part aux programmes de RVA de l'OIM ont reçu une assistance pendant le processus de retour, y compris l'organisation du voyage et l'émission de documents de voyage (au cas où elles et ils n'auraient pas de passeport, par exemple) et de billets d'avion. Pendant la durée de ma recherche, chaque rapatrié·e a reçu une allocation monétaire de 400 euros. suite...

2. Expulsions volontaires

9 Bien qu'elle soit un élément important du « gouvernement international des frontières » (Andrijasevic et Walters, 2010), l'OIM reste empiriquement peu étudiée (Pécoud, 2017). Bien que cet article ne soit pas une étude de l'OIM en soi, il éclaire le fonctionnement de l'organisation dans le cadre plus large du « continuum des expulsions » (Kalir et Wissink, 2016). Les retours volontaires n'auraient eu, prétendument, qu'un caractère non contraignant. Contrairement au caractère prétendument non contraignant des retours « volontaires », je m'inscris dans la lignée des études récentes qui remettent en cause les éléments ouverts et non coercitifs proclamés et appellent à une attention critique à la violence sous-jacente. Ces dernières années, les études soulignent la relation complémentaire entre les retours « volontaires » et les expulsions, de même que les frontières floues entre les deux. Bien que l'OIM, l'État et l'UE mettent l'accent sur le libre arbitre individuel (un concept aux résonances néo-libérales), les retours « volontaires » reflètent la violence structurelle. Le retour « volontaire » n'est qu'une « alternative moins mauvaise à la continuité de la misère » (Webber 2011 : 103) ; un « retour pseudo-volontaire », une « expulsion en douceur » (Kalir 2017, Leerkes, van Os et Boersema, 2017) ou une « auto-déportation » (Spathopoulou et coll., 2020) pour les migrant·es qui sont dans une condition d'expulsabilité (De Genova, 2002). En outre, le langage des retours volontaires peut être un langage de bienveillance qui dépolitise l'expulsion, mais il est ancré dans un lien humanitaire/sécurité (Bendixsen 2019, Vrăbiescu 2019) qui vise finalement à expulser les migrant·es indésirables. Les agents étatiques, non étatiques et internationaux (tels que les organisations intergouvernementales comme l'OIM) qui collaborent aux expulsions douces font partie d'un « continuum d'expulsion » (Kalir et Wissink, 2016) fonctionnant par le biais de « complémentarités fonctionnelles » (Koch, 2014). L'élément non consenti dans les « expulsions » dites volontaires  est particulièrement évident dans le cas de la Grèce où la détention a été l'approche dominante de la migration illégalisée, au moins jusqu'en 2015. Le consentement au retour par le biais des programmes de RVA de l'OIM peut à peine être considéré comme un choix puisqu'il est accompli sous la pression d'une détention prolongée et punitive. En particulier entre 2012 et 2015, mais pas seulement durant cette période, les politiques migratoires grecques étaient fondées sur l'utilisation répandue de la rétention administrative avant renvoi des migrant·es et des demandeur·es d'asile illégalisé·es comme mesure dissuasive et punitive, plutôt que comme une pratique efficace pour les retours. Cette pratique a été critiquée comme étant insuffisante pour promouvoir des retours efficaces, coûteuse (Angeli, Dimitriadi et Triandafyllidou, 2014), et en violation des droits de l'homme (Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants - CPT 2017). Jusqu'en 2015, l'État grec a largement appliqué le maximum légal de 18 mois de détention, et en mars 2014, le Conseil juridique de l'État a avalisé la légalité de la « détention indéfinie » au-delà de cette période (avis 44/2014 du Conseil juridique de l'État). L'expulsion "volontaire" était, en fait, souvent la seule issue possible à la détention avant renvoi pour les migrant·es illégalisé·es. Les personnes détenues renvoyées n'avaient généralement aucun contrôle sur la procédure. Elles n'étaient même pas informées par les policier·es de leur transfert à l'aéroport avant le jour même de leur vol. Parfois, ce n'est que parvenues au terminal de l'aéroport qu'elles se sont rendu compte qu'elles étaient sur le point d'être expulsées, car les policier·es ne leur ont communiqué aucune information au moment de les embarquer dans l'autobus. Il est arrivé que des détenu·es refusent de monter dans le bus, ne sachant pas où ils et elles étaient emmené·es. suite...

3. “Apelasi” (« expulsion » en grec)

10 En janvier 2015, les élections nationales ont conduit à un changement politique qui a fait accéder au pouvoir un nouveau gouvernement de coalition formé par le parti politique de gauche SYRIZA et le petit parti de droite ANEL. Le gouvernement nouvellement élu a annoncé la fermeture des centres de rétention et la fin des politiques restrictives et punitives mises en œuvre par les gouvernements précédents. Bien qu'aucun de ces centres n'ait finalement fermé, après le printemps 2015 la période de détention a été réduite à six mois et les demandeur·es d'asile et les détenu·es vulnérables ont été libéré·es. L'année 2015 est connue comme l'année de la « crise européenne des migrant·es et des réfugié·es », avec la Grèce comme épicentre, puisque plus de 800 000 frontalier·es ayant besoin d'un abri et d'une protection ont afflué en Grèce par la route de la Méditerranée orientale. Même si cette période est considérée comme celle d'une mobilité transfrontalière relativement sans entrave vers l'Europe du Nord et de l'Ouest, c'est aussi une période où ont été menées des expulsions douces depuis la Grèce. Les expulsions s'étaient arrêtées en 2014 en raison du coût des opérations et du tribut payé à une économie grecque en crise, mais elles n'ont repris que temporairement après l'été 2015. Cependant, ce qui avait changé, c'était le profil des personnes « expulsées en douceur ». Des expulsions douces se sont poursuivies même pendant la « crise des migrant·es et des réfugié·es ». En 2015 et 2016, la plupart des personnes qui se sont inscrites et ont participé aux programmes de RVA de l'OIM étaient arrivées récemment en Grèce. Ces hommes (pour la plupart) considéraient la Grèce comme un pays de transit et lorsqu'ils ont réalisé qu'ils ne pouvaient plus poursuivre leur voyage vers l'Europe de l'Ouest et du Nord, ils ont décidé de rentrer. Cependant, durant cette même période, l'illégalisation de certaines nationalités se reflétait dans les profils des rapatrié·es détenu·es. Ainsi, des hommes d'origine marocaine ont été massivement détenus et finalement renvoyés grâce aux programmes de RVA de l'OIM. Afin de promouvoir la participation au programme de l'OIM, le gouvernement grec a introduit en 2017 une zone de rétention spéciale pour les bénéficiaires de l'OIM au sein du centre de rétention avant renvoi (pre-removal) du camp de Moria sur l'île de Lesbos. Lors de ma visite sur place en septembre 2017, j'ai été informé par les agents de police en charge que dans l'une des deux sections du centre de rétention se trouvaient des personnes inscrites au programme AVR de l'OIM et dont la durée de détention se prolongerait jusqu'à leur transfert à Athènes où leurs documents de voyage seraient émis, et leur expulsion volontaire achevée. Cette détention apparemment paradoxale de personnes qui avaient signé leur retour de leur plein gré souligne davantage le caractère impératif des expulsions douces. suite...

11 De plus, au cours de mes recherches, j'ai souvent été confrontée à un brouillage des catégories et à un vocabulaire émique autour des retours « volontaires » qui fait écho de manière très insistante au caractère forcé d'une pratique de retour présumée non coercitive. Le changement de terminologie autour des expulsions au niveau de l'UE démontre l'effort de dissimulation et de dépolitisation de la violence des pratiques étatiques d'expulsion des migrant·es illégalisé·es. Comme l'indique l'historienne Rika Benveniste pour la déportation des Juif·ves grec·ques vers les camps de concentration nazis, le langage de la bureaucratie « dissimule toujours, soit avec des euphémismes, soit avec des mots lénitifs et neutres (...) [il] cherche à tromper et à dissuader » (Benveniste, 2017 : 85). Au cours des dernières années et après avoir adopté le vocabulaire officiel de la législation européenne concernant les expulsions (Directive européenne sur le retour, 2008/115/CE), le ministère grec de la Protection des citoyens a remplacé le terme « expulsion » par « retour ». L'ancien "Département des expulsions" de la Direction des étrangers de l'Attique a modifié son titre et, dans les annonces officielles, il a utilisé le terme neutre et dépolitisé de « retour », mais pas de manière systématique. En fait, les policier·es se sont moqués de ce changement de vocabulaire et l'ont qualifié d'hypocrite. Le langage de la bureaucratie dépolitise et dissimule la violence des expulsions. Cependant, il est important de noter qu'en ce qui concerne les expulsions, le terme grec apelasi (expulsion/déportation) n'a pas la même connotation historique que dans d'autres contextes où les déportations sont directement associées à l'expérience du passé et aux atrocités de l'Holocauste. Ainsi, les Juif·ves grec·ques qui ont été déplacé·es de force et envoyé·es dans des camps d'extermination pendant la Seconde Guerre mondiale étaient largement désigné·es comme des omiroi (otages) dans le langage de la bureaucratie grecque (Benveniste, 2017) et non comme des déporté·es. « Expulsion » était le terme par lequel les migrant·es eux-mêmes désignaient le processus de retour volontaire, soulignant les frontières floues entre la coercition et le choix. Les seules différences entre le retour « volontaire » et l’« expulsion » étaient l'allocation monétaire et le fait que les migrant·es inscrit·es aux programmes de RVA de l'OIM ne figuraient pas sur la liste des ressortissant·es de pays tiers indésirables. suite...

III. Rencontres à l'aéroport

1. Voyageur·ses aérien·nes

Photo Katerina Rozakou, August 2021

12 L'équipe aéroportuaire de l'OIM se rend à l'aéroport avec une voiture civile que la police a attribuée à l'organisation. Ce véhicule usé a un besoin urgent de réparation car il tousse constamment sur le chemin de l'aéroport. Cependant, au moins quatre fois par semaine, la voiture parvient à parcourir les quarante kilomètres qui séparent les locaux de l'OIM de l'aéroport international d'Athènes, où elle se gare à l'extérieur du terminal des départs, dans une zone réservée aux véhicules de police. Georgia et Dimitris se rendent à un rendez-vous fixé à l'entrée A1 où ils rencontrent un groupe de quinze personnes, des hommes pour la plupart, originaires du Bangladesh, d'Égypte, du Ghana, d'Inde, du Kenya, du Maroc et du Nigéria. Des bagages sont éparpillés partout. Les deux fonctionnaires de l'OIM procèdent à l'appel et distribuent des laissez-passer de voyage. Georgia, qui travaille à ce poste depuis plusieurs années, est ferme quand elle donne des instructions. S'exprimant en anglais, elle demande au groupe d'utiliser leur sac en plastique de l'OIM pour sécuriser les quatre précieux documents qui leur seront remis : document de voyage (le laissez-passer que les employés de l'OIM ont apporté ce jour-là ou le passeport que les rapatrié·es possèdent déjà), leur harti (ordre d'expulsion administrative qui a été émis par la police et qui stipule que le ou la détenteur·rice doit quitter le pays volontairement dans le délai d'un mois), la déclaration (de participation au programme RVA de l'OIM) et les détails au sujet de leur vol. Georgia insiste sur le fait qu'ils doivent porter leur sac OIM en permanence. Ce sac en plastique blanc avec l'emblème de l'OIM n'est pas seulement pratique pour transporter les documents importants de ces voyageur·ses. C'est aussi le marqueur que les employé·es de l'OIM utilisent pour repérer visuellement dans l'aéroport les personnes renvoyées. En même temps, cet objet banal contredit le luxe de l'aéroport, l'individualité manifestée et souvent célébrée du voyageur aérien. Ils et elles occupent les sièges arrière de l'avion et voyagent muni·es de billets aller simple. Georgia poursuit en demandant au groupe de toujours les suivre, elle et Dimitris. Les bénéficiaires de l'OIM ne sont pas autorisé·es à prendre des photos, à échanger des devises dans les bureaux de change de l'aéroport ou à acheter des marchandises dans les boutiques hors taxes de l'aéroport. Ils ne peuvent pas non plus utiliser les zones fumeurs de l'aéroport. Bien que le prétexte soit que tout retard entraînera un retard de l'ensemble du groupe et pourra compromettre leur retour, ces interdictions signifient que les installations de l'aéroport ne leur sont pas destinées. Même si ces personnes voyagent sur les mêmes vols commerciaux que les autres voyageur·ses, elles semblent appartenir à une autre catégorie de voyageur·ses, exclu·es de ce monde de mobilité accrue et de consommation luxueuse qu'est l'aéroport. Ce sont les passager·es qui occupent les sièges arrière des avions et qui voyagent avec des billets aller simple. Le groupe rassemblé présente une cacophonie qui contraste avec l'individualité des voyageur·es aérien·nes qui se déplacent à un rythme rapide et avec confiance autour de nous et ne ralentissent que fugitivement pour observer la scène. Et pourtant, ces expulsions volontaires ne se font pas dans le secret. Bien au contraire, elles se déroulent au grand jour, attirant le regard des autres voyageur·ses et, parfois, le mécontentement des compagnies aériennes et du personnel des aéroports. suite...

Le bagage des expulsions volontaires : le sac plastique de l'OIM. Photo Katerina Rozakou, août 2021

13 L'aéroport est un espace de mobilités inégales qui touche au contraste aigu entre les mobilités multidirectionnelles privilégiées des voyageur·ses aérien·nes (à la fois à partir de l'aéroport et à l'intérieur même de celui-ci) et le voyage à sens unique, le retour "volontaire" des rapatrié·es de l'OIM. Cependant, même les rapatrié·es de l'OIM ne participent pas tou·tes de la même mobilité. Le brouillage des différences entre le retour et l'expulsion m'est apparu clairement au cours de mon travail sur le terrain lorsque, au poste de contrôle des passeports, un groupe de 10-12 hommes iraniens escortés par les employés de l'OIM a rencontré un groupe d'hommes marocains escortés par des agents de police. Le personnel le plus expérimenté de l'OIM a appelé de manière informelle les rapatrié·es détenus "dets" (abréviation de « détenus »). La plupart des "dets" marocains n'avaient pas de bagages, et certains ne tenaient que le sac plastique de l'OIM. Certains d'entre eux ne portaient pas de lacets et semblaient épuisés et abattus. Pendant la période entre l'enregistrement et le contrôle des passeports, ces détenus étaient placés dans une petite pièce près de l'entrée de la zone de contrôle des passeports pour les destinations non-Schengen. Les policier·es gardaient la petite salle, qui était souvent bondée et manquait de sièges, obligeant plusieurs personnes à rester debout. Expulsion ! Expulsion ! Lorsque les deux groupes de rapatriés se sont croisés, les hommes iraniens m'ont dit que l'autre groupe était "expulsé ". Bien que je leur aie expliqué qu'ils bénéficiaient comme eux du programme de l'OIM, ils n'étaient pas convaincus. « Auront-ils aussi de l'argent ? » ont-ils demandé, recevant ma réponse positive. Lorsque j'ai discuté de cet incident avec Dafne, l'une des plus anciennes fonctionnaires de l'OIM, elle m'a expliqué que cette confusion était loin d'être une nouveauté. Dans le passé, chaque fois qu'elle visitait des centres de rétention avant renvoi, les détenus criaient (nous voulons) "Deport ! Deport !" lorsqu'ils la voyaient porter le gilet bleu de l'OIM. Même plus tard, lorsqu'ils la connaissaient mieux, ils criaient toujours "Deport". suite...

14 Les deux groupes (les hommes marocains détenus et les rapatriés iraniens libres) voyageaient ce jour-là en conformité avec le programme RVA de l'OIM. Les hommes marocains étaient escortés par des agents de police en tenue civile et ils passaient par les mêmes procédures que les hommes d'Iran qui étaient aussi constamment escortés par des employé·es de l'OIM. Ainsi que le prévoit la procédure, c'est seulement après le contrôle des passeports que tous les bénéficiaires du programme RVA de l'OIM ont reçu une allocation en espèces de 400 euros. Georgia, l'employée de l'OIM qui avait la responsabilité de remettre aux hommes leur enveloppe contenant l'argent, était une vétéran. Assise à côté de l'agent de police à l'intérieur du poste de contrôle des passeports, elle a soigneusement compté les billets de banque avant de les placer dans une enveloppe blanche. Le rapatrié devait signer un affidavit attestant qu'il avait reçu l'argent. Georgia m'a expliqué que les détails techniques et la formalité des procédures étaient de la plus haute importance car, dans le passé, un rapatrié a accusé un employé de l'OIM de ne pas lui avoir donné la subvention en espèces. La présence constante de l'officier de police de l'aéroport (en uniforme) scellait le caractère officiel de la procédure et signalait les répercussions d'une mauvaise conduite. Un moment d'excitation accrue et de précautions avancées C'était toujours un moment d'excitation accrue et de précaution poussée. Les policier·es et le personnel de l'OIM ont insisté sur le fait que les rapatriés ne devaient pas montrer ostensiblement l'argent qu'ils avaient reçu, ni applaudir ou prendre des photos. Leurs instructions n'ont cependant pas toujours été suivies. Certains hommes comptaient les billets ouvertement et de manière provocante, puis taquinaient leurs compatriotes en agitant l'enveloppe ou les billets au-dessus de leur tête. Les policier·es, qui attendaient avec impatience la fin de la procédure, se mettaient alors en colère. Ils et elles s'approchaient des bénéficiaires de l'OIM et les menaçaient de reprendre leur argent et d'annuler leur retour. En fait, les policier·es considéraient la prime de retour de 400 euros comme un "pot-de-vin" et comme la principale raison qui incitait les gens à s'inscrire au programme de RVA de l'OIM. Ces circonstances ont provoqué l'excitation des autres migrant·es et la curiosité des voyageur·ses qui ont ralenti leur rythme pour observer la scène. Leur regard passait des employé·es de l'OIM, vêtu·es de gilets bleus portant l'emblème de l'organisation, aux policier·es qui, bien que portant des vêtements civils, sont rapidement identifié·es. Ces moments de négociation ont remis en question l'aéroport en tant qu'espace de fluidité ordonnée et de temporalités strictes. Il y a eu des moments où les migrant·es bientôt expulsé·es ont revendiqué l'espace et ont rendu leur présence visible et audible. suite...

3. Agents de voyage des mesures de renvoi

15Ruben Andersson (2014) a introduit le terme d’ « industrie de la migration illégale » pour désigner le caractère productif des tentatives de contrôle de la mobilité humaine. Cette industrie de l'illégalité comprend divers secteurs engagés dans le flux de la migration terrestre et maritime vers l'Europe, mais aussi un vaste ensemble d'institutions, d'entreprises et de personnes. Dans le cadre de cette industrie de l'illégalité au sens large, l'industrie de l'expulsion nourrit non seulement le secteur de la gestion des migrations – étatique, non étatique, supra-étatique et interétatique – mais aussi le secteur privé, comme les compagnies aériennes qui remplissent leurs avions vers les destinations des étranger·es expulsables. Au sein de l'Industrie de l'expulsion, les fonctionnaires de l'OIM  étaient les agents de voyage des mesures de renvoi. Dans le cadre de cette industrie de l'expulsion, les agents de police, les employé·es des compagnies aériennes et de l'aéroport et, également, les fonctionnaires de l'OIM étaient, en quelque sorte, les agents de voyage des mesures de renvoi. Au début de ma recherche, j'ai compris que les exécutant·es des opérations de RVA de l'OIM à l'aéroport n'avaient aucune expérience préalable dans le secteur humanitaire ou la gestion des migrations. Au contraire, presque toutes ces personnes travaillaient auparavant pour des compagnies aériennes ou des agences de voyage. Maria, qui a récemment rejoint l'équipe de l'OIM à l'aéroport, est une vieille connaissance de Georgia. Toutes deux travaillaient pour Olympic Airways, la légendaire compagnie aérienne nationale créée par le magnat du transport maritime Aristote Onassis en 1957 et vendue à l'État grec en 1975. En 2009, cependant, après une décennie de pertes financières et de dettes, et l'application par la Commission européenne des règles de concurrence libéralisantes de l'UE qui interdisaient les aides d'État à la compagnie aérienne nationale, Olympic Airways a été mise en vente par l'État grec et est devenue une compagnie aérienne privée, qui a finalement fusionné avec Aegean Airlines. Maria et Georgia chérissaient toutes deux la période où elles travaillaient pour Olympic Airways, et s'en souvenaient avec nostalgie. Pendant le travail à l'aéroport, Georgia nous a montré le porte-clés avec l'emblématique logo olympique à six anneaux qu'elle utilisait encore et a expliqué que cet attachement à Olympiaki (l'"Olympic"), comme elle est largement connue en Grèce et affectivement appelée par ses ancien·nes employé·es, allait au-delà des somptueuses conditions de travail. Son attachement faisait écho à une profession cosmopolite et prestigieuse mais aussi à la matérialisation de l'État que, en général, les compagnies aériennes nationales symbolisent (Bryant, 2021). En outre, l'âge d'or d'Olympic Airways correspond à l'ère de croissance économique d'après-guerre en Grèce, tandis que son effondrement préfigure la crise de la dette et de l'austérité grecques. Georgia et Maria ont partagé des histoires sur la collégialité et l'intimité entre collègues, qui se donnaient encore l'accolade lorsqu'ils et elles se rencontraient dans le nouvel aéroport d'Athènes où elles et ils travaillaient parmi les personnels de l'aéroport ou pour des compagnies aériennes. Maria a ensuite eu une réflexion sur la dégradation des conditions de travail qui a suivi le démantèlement d'Olympic Airlines, à la prévalence progressive de la précarité, aux contrats temporaires et aux salaires déclassés. suite...

16 La crise d'austérité des dernières années en Grèce a notamment transformé les emplois dans les compagnies aériennes et à l'aéroport en emplois sous-payés et précaires. Les compagnies aériennes ont profité de la crise pour réduire les salaires et imposer des contrats de travail individuels avec avantages limités. Dans certains cas, comme me l'ont expliqué les fonctionnaires de l'OIM, les personnes de ce secteur recevaient un salaire mensuel de moins de 380 euros et étaient obligées de signer des contrats à durée déterminée avec un renouvellement incertain. Le personnel de l'aéroport change constamment, et les compagnies aériennes le considèrent comme temporaire et jetable. Ce qui était autrefois perçu comme une profession prestigieuse s'est transformé en un travail précaire qui ne conserve guère le glamour d'un environnement cosmopolite. Christos, 50 ans, nouvellement employé dans l'équipe aéroportuaire de l'OIM, m'a également expliqué qu'il était de loin plus rentable de travailler pour l'OIM et de recevoir un salaire trois fois supérieur à celui que touchaient habituellement les "handlers" (personnel de l'aéroport). Une industrie de l'expulsion florissante Les fonctionnaires de l'OIM considéraient l'aéroport comme leur deuxième chez eux et se déplaçaient en saluant les personnes des compagnies aériennes, les agents de police et le personnel de l'aéroport. À leur arrivée à l'aéroport, ils se rendent au bureau de la police de l'aéroport pour recevoir un laissez-passer qui leur permet de se déplacer librement dans les zones réservées aux voyageur·ses en attente de l'embarquement. Les employé·es de l'OIM à l'aéroport ont partagé des secrets sur les marchandises hors taxes et les réductions sur les en-cas et le café dont profitait le personnel de l'aéroport. Ils et elles éprouvaient néanmoins un certain malaise. Cela était surtout manifeste chez les nouveaux·elles employé·es qui commençaient à peine à se familiariser avec leur nouveau rôle. Au lieu de travailler dans une industrie de voyages privilégiés, elles et ils faisaient maintenant partie d'une industrie de l'expulsion florissante. Ils et elles se sentaient mal à l'aise car ils et elles pensaient que leur présence n'était pas appropriée dans un lieu d'ordre et de luxe tel que l'aéroport. Cet univers de mobilités inégales est guidé par les règles d'un marché néolibéral. Dans l'aéroport, l'autorité dont était investi·e l'employé·e d'une compagnie aérienne pouvait parfois être supérieure à celle de l'OIM ou de la police. Même l'État devait obéir aux règles du marché libre dans cette zone de conflits de souveraineté. Le superviseur d'Egyptair était le redoutable Ahmed qui, comme Georgia me l'a expliqué, était connu dans l'aéroport pour son intransigeance et sa capacité à soutirer des frais d'excédent de bagages aux passager·es qui ne respectaient pas le règlement des vols. Ahmed se tenait près de la porte d'embarquement et faisait preuve d'autorité envers les passager·es qui transportaient des bagages à main trop volumineux. A plusieurs reprises, Georgia a dû négocier avec Ahmed lorsque les rapatrié·es de l'OIM étaient obligé·es de payer pour des bagages à main supplémentaires, mais elle n'a pas toujours réussi et parfois ils ont dû payer avec une partie de leur allocation de retour en espèces pour pouvoir emporter leurs bagages dans l'avion. Georgia, qui ne pouvait intervenir d'aucune façon, considérait l'attitude d'Ahmed comme l'exercice d'un pouvoir dépourvu de tout sens moral, car il prenait pour cible des migrant·es démuni·es. suite...

Vue de l'aéroport, vidéo, Katerina Rozakou, août 2021: https://vimeo.com/673493235

4. Perturbations

17Lorsque le nombre de rapatrié·es de l'OIM a augmenté de manière significative au début de l'année 2016, les policier·es ont suggéré que les détenu·es ne passent pas par la procédure d'enregistrement individuelle comme le reste des passagers, y compris les migrant·es " libres " enregistré·es au programme de RVA. Ils ont plutôt suggéré que les documents de voyage et les billets des rapatrié·es détenu·es soient remis au comptoir d'enregistrement par les agents de police et les fonctionnaires de l'OIM. Comme me l'ont expliqué ces dernier·es, les agents de police craignaient surtout qu'un·e détenu·e ne s'enfuie au milieu de la foule des personnes retournées et des longues procédures. Cependant, une raison supplémentaire pourrait être l'hésitation de dernière minute d'un·e rapatrié·e et son retrait du programme de RVA de l'OIM. Dans quelques cas de ce genre dont j'ai été témoin, les agents de police se sont efforcés de faire changer la décision des personnes en expliquant qu'en annulant leur retour, elles retourneraient en rétention pour une durée indéfinie et ne pourraient plus rejoindre le programme d'aide. De toute façon, la suggestion des policiers a été écartée, puisque les compagnies aériennes exigent de voir tous les passager·es en personne. La vie de l'aéroport ne pouvait pas être perturbée. Pour pallier ce problème, les policier·es ont proposé une procédure alternative, qui n'a toutefois été mise en œuvre qu'une seule fois en raison des réactions des compagnies aériennes. Après l'enregistrement, les personnes retenues étaient conduites par un véhicule de police au bâtiment Satellite de l'aéroport. Dimitris m'a expliqué que ce bâtiment avait été construit pendant les Jeux olympiques d'Athènes de 2004 et qu'il n'était accessible que par la piste d'atterrissage des avions. Si l'on considère que c'est dans ce bâtiment que les expulsions sont normalement traitées, on ne peut que conclure que même les retours "volontaires" sont sévèrement criminalisés, et qu'ils n'ont de non-coercitif que le nom. Pourtant, du moins au moment de mes recherches, le bâtiment Satellite n'a plus été utilisé pour les rapatrié·es du RVA de l'OIM. La vie de l'aéroport ne pouvait pas être perturbée, mais elle était constamment négociée et remise en question par la coexistence de ces mobilités diverses et inégales. Le malaise du personnel de l'OIM n'était pas dû uniquement à la tâche ingrate d'escorter des voyageur·es indésirables. La direction de l'aéroport elle-même avait demandé une présence "discrète" et leur placement dans les points les plus éloignés des portes d'embarquement. Les autres passager·es étaient visiblement décontenancé·es par les personnes qui entravaient le flux ordonné des voyageur·es : aux comptoirs d'enregistrement des compagnies aéroportuaires, aux points de contrôle des passeports et des visas, aux points de contrôle des bagages à main, et jusqu'à la porte d'embarquement de l'avion. Néanmoins, ces retours n'avaient pas lieu dans le secret. Bien au contraire, ils étaient effectués au grand jour, attirant les regards des autres voyageur·es et le mécontentement des compagnies aériennes. suite...

Voluntary deportations remains. Photo, Katerina Rozakou, August 2021

IV. Conclusion : un espace de trajectoires et d'histoires qui continuent croisées et inégales

18 Les lumières artificielles de l'aéroport, la propreté impeccable du sol et les affiches touristiques et commerciales embellies par les sourires éclatants des voyageur·es sont emblématiques à l'aéroport, site de cosmopolitisme et de luxe. Cependant, à l'heure de la circulation mondialisée des biens, les marchandises de l'aéroport ne conservent qu'une petite partie de leur gloire et de leur caractère exclusif. Aujourd'hui, les barres de chocolat Toblerone, les alcools onéreux et les cigares ne sont plus des possessions convoitées que l'on offre en souvenir d'une mobilité transfrontalière privilégiée et de symboles de marque ; on peut, au contraire se les procurer aujourd'hui partout (même dans les endroits du monde en proie à l'austérité). En outre, les voyages en avion ne sont plus, depuis longtemps, l'apanage des fortuné·es. Avec l'expansion de la mobilité à bas coût, de plus en plus de personnes voyagent en avion et, dans le même temps, le transport aérien est devenu plus stratifié socialement. Le travail dans l'aéroport et dans les compagnies aériennes a perdu son prestige et son caractère somptueux, il est devenu précaire et sous-payé. Néanmoins, l'aéroport d'Athènes possède toujours son aura postmoderne et cosmopolite. La section Duty-Free embaume des parfums testés et la douce musique de fond ajoute à l'expérience sensible de la mobilité privilégiée. L'espace de l'aéroport international d'Athènes est construit à partir des mobilités différentielles et des trajectoires inégales de ses divers « habitant·es » : voyageur·es cosmopolites privilégié·es pour qui le passage de la frontière est une formalité « traversée au pas de course » (Balibar, 2002 : 83) et d'autres porteur·ses de billets d'avion à bas prix, le personnel en crise et précaire des aéroports et des compagnies aériennes, les hôtesses de l'air et les pilotes qui traversent les couloirs de l'aéroport avec assurance, les policier·es en service qui escortent paresseusement les rapatrié·es retenu·es, les vendeur·ses qui servent les client·es dans les boutiques de l'aéroport aux loyers extravagants, les sans-abri qui trouvent refuge à l'aéroport la nuit, le vendeur de billets de loterie, le Pakistanais échoué, non réclamé par son État, les fonctionnaires de l'OIM se déplaçant rapidement et efficacement, le ou la migrant·e indésirable et volontairement expulsé·e voyageant sur les sièges arrière de l'avion, et de nombreuses autres personnes qui ne sont pas présentées dans cet article, telles que les habitant·es de la région de Mesogia pour qui l'aéroport est un espace de socialité (Gefou-Madianou, 2018), et tant d'autres. L'aéroport est également un espace édifié par les histoires vécues à ce jour. L'aéroport est également un espace édifié par les histoires qui continuent (stories-so-far)  (Massey 2005), allant de la main-d'œuvre migrante irrégulière qui l'a construit, la crise d'austérité qui a formé les conditions de travail et de vie de ses employé·es contemporain·es, la légendaire compagnie aérienne nationale Olympic Airlines qui a été démantelée signifiant non seulement la dégradation de ses ancien·nes employé·es, mais aussi une crise de l'État et de la souveraineté. L'étranger·e non désiré·e et bientôt expulsé·e est une anomalie par rapport au visage cosmopolite et luxueux de l'aéroport d'Athènes. Sa présence ambiguë dans l'aéroport met en évidence diverses conceptions de l'exclusion et de la mobilité. Les regards des voyageur·ses curieux·ses, l'ambivalence des autorités aéroportuaires, l'insécurité des policier·es et l'ambivalence des fonctionnaires de l'OIM, les blagues et les provocations des migrant·es expulsé·es volontairement, tout cela démontre que l'aéroport n'est pas un espace fixe mais un espace en constante négociation et contestation. suite...

Références

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Notes de bas de page

20 1 L'étude de Chalfin est une ethnographie du Service des contrôles douaniers et de la reconstruction du secteur de l'aviation au Ghana. Les rencontres entre les douaniers et les voyageurs mettent en évidence les reconfigurations de la souveraineté de l'État à l'ère néolibérale (Chalfin 2008). 2 Pendant les 30 premières années de son fonctionnement, l'aéroport est exploité dans le cadre d'un accord de partenariat public-privé (PPP) dans lequel l'État grec détient 55 % des parts. 3 Parallèlement à l'inauguration du nouvel aéroport, la première tranche de l'autoroute à péage privée "Attiki odos" (l'autoroute de la zone métropolitaine d'Athènes) qui mène à l'aéroport a été achevée à la même période, le nouveau système de métro d'Athènes a été mis en service et l'euro a remplacé la drachme. 4 La zone de rétention était à l'époque une petite pièce près de la sortie vers les destinations non-Schengen dans le terminal de départ de l'aéroport. Elle ne doit pas être confondue avec le centre de rétention de l'aéroport qui, en 2013, avait la réputation d'être le pire d'Athènes (v. Fili 2013). 5 Pour une étude qui retrace l'implication précoce de l'ICEM dans la gestion des émigrant·es quittant la Grèce pour l'Australie, et qui accorde une attention particulière à la concurrence entre les compagnies maritimes et aériennes pour ce marché, voir Limnios-Sekeris (2015). 6 Outre le programme général de RVA (retour volontaire assisté), l'OIM Grèce met également en œuvre les activités d'aide au retour volontaire et à la réintégration (ARVR) dans le cadre desquelles le migrant « bénéficiaire » reçoit une subvention et un soutien pour créer de petites entreprises à son retour. Aucun des migrant·es présentés dans cet article n'a participé à un programme de réintégration de l'OIM. 7 Pour les années 2012 et 2013, le diagramme est basé sur les statistiques du journal Kathimerini (http://www.kathimerini.gr/869873/article/epikairothta/ellada/dom-3691-e8eloysies-epistrofes-metanastwn-ews-ta-telh-ioylioy) et pour les années 2014-2016 sur les rapports respectifs publiés par le médiateur grec (2015, 2016, 2017). Entre juin 2016 et 31 décembre 2020, l'OIM Grèce a effectué 20 478 retours de migrant·es. Données publiées sur https://greece.iom.int/worldmap (consulté le 18 juillet 2021). retour au début de l'article...

https://www.antiatlas-journal.net/pdf/antiatlas-journal-05-rozakou-une-ethnographie-aeroportuaire-des-expulsions-volontaires.pdf

2. Rencontres d'expulsions volontaires inégales

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