antiAtlas Journal #6, 2024

Connexions~ : Analyse hétérographique du jeu de ficelles chez le collectif La Pulpe

Ludmila Postel et Crys Aslanian

Résumé : Cet article propose d’analyser deux expériences du collectif de recherche-création La Pulpe pour comprendre où et comment l’hétérographie, cette «écriture de la différence», se manifeste par une pratique du jeu de ficelles comme processus de réappropriation des dispositifs télématiques.

Ludmila Postel est docteure en pratique et théorie de la création littéraire et artistique, experte dans les pratiques sonores vidéoludiques. Elle est l’auteure d’une thèse sur les usages de la plateforme immersive en ligne New Atlantis. Elle travaille aussi à la mise en place d’expériences immersives où le son est une importante valeur ajoutée, autant pour l’immersion que pour la transmission.

Crys Aslanian est artiste-doctorante à l’Université Gustave Eiffel en recherche-création en Art sous la direction de Martin Laliberté. Elle est aussi artiste-chercheuse à l’École d'Art de Clermont-Ferrand Métropole. Son travail plastique et sa recherche universitaire trouvent leurs origines entre création radiophonique, travail de l'ombre chez les éco-féministes et le concept de SF théorisé par Donna Haraway.

Crédits des images : sauf mention contraire, © Ludmila Postel et Crys Aslanian.

Mots-clés : improvisation, plateau-radio, gameplay, univers virtuel, émergence, arts sonores, étreinte télématique, jeux de ficelles

Design de l'article : Thierry Fournier
Cet article est conçu pour être expérimenté de préférence sur ordinateur / desktop


antiAtlas-Journal
Directeur de la publication : Jean Cristofol
Directeur de rédaction : Cédric Parizot
Directeur artistique et design des articles : Thierry Fournier
Comité de rédaction : Jean Cristofol, Thierry Fournier, Anna Guilló, Cédric Parizot, Manoël Penicaud

Représentation du plateau radio par le collectif r∆∆dio c∆∆argo

Pour citer cet article : Ludmila Postel et Crys Aslanian, "Connexions~ : Analyse hétérographique du jeu de ficelle chez le collectif La Pulpe", publié le 3 mai 2024, antiAtlas Journal #6 | 2024, en ligne, URL: http://www.antiatlas-journal.net/06-postel-aslanian-connexions-collectif-la-pulpe" Dernière consultation le Date.

I. Prélude

1 « Juin 2018. Nous nous rencontrons. Nous sommes dans un coffee shop d’une franchise anonyme et nos soirées respectives ont probablement été trop longues. Nous sommes séparées d’une table, chacune tient sa tasse comme si la chaleur de la boisson la reliait à la présence de l’autre. Un jeu conversationnel se met en place, celui de faire connaissance, et ce jeu est interfacé par un système de questions-réponses ponctuées de gorgées de thé et de café. Elle et moi sommes liées par différentes personnes, amies ou connaissances mais c’est un appel à résidence pour le groupe Locus Sonus qui crée la connexion. Nous sommes face à face et nous discutons de toutes ces choses qui auraient pu nous permettre de nous rencontrer il y a bien longtemps et dans un autre endroit. Il semble que ni les amies d’enfance, ni les enseignements électroacoustiques d’Annette Vande Gorne n’ont été suffisants pour parvenir à nous faire converger plus tôt. Ce qui nous a finalement branchées l’une avec l’autre a été l’entrelacement d’intérêts communs mais marginaux pour les pratiques ludiques, la création sonore et les médias numériques. C’est ainsi que commence un long jeu de ficelles, toujours en cours, dans lequel s’intriquent des câbles, des documents collaboratifs, des mondes 3D, du streaming dans une série d’expériences collectives. »

Dans Vivre avec le trouble, Donna Haraway parle des relations sympoïétiques qui se développent parfois entre différentes espèces. Elle y décrit notamment un calamar hawaïen vivant en symbiose avec une espèce de bactérie. Le calamar offre un milieu de développement fertile pour les bactéries qui lui donne en retour la capacité de devenir luminescent, lui offrant ainsi des possibilités de camouflages en dissimulant son ombre ou en se transformant en ciel étoilé. Le concept de « sympoïese » est emprunté à l’océanologue Beth Dempster et développé par Haraway dans le sens de « faire-avec », c’est-à-dire « d’inventer ensemble » ou de « faire émerger en étant en relation ». Dempster définit le système sympoïétique comme : « un système de production collective qui n'a pas de limites spatiales ou temporelles auto-définies. Les informations et le contrôle sont répartis entre les composants. Le système est évolutif et présente un potentiel de changement surprenant ».

Nous défendons l’idée qu’un tel système de relation peut émerger entre/à travers les humains et les machines au sein de dispositifs de création en travaillant par « jeu de ficelles ».

Cette formule est issue de l’anglais String Figure et du concept de SF décrit par Haraway. SF est un acronyme à significations multiples, un sujet dont les attributs peuvent permuter en fonction des besoins de celui·le qui l’utilise, devenant aussi une méthode de traçage interdisciplinaire. Ainsi SF peut autant signifier Science Fiction, Science Fact, que Speculative Feminism ou String Figure. Chez Haraway le jeu de ficelles représente une pratique pour penser ensemble, entre individus, entre disciplines, et éventuellement entre espèces, pour tracer des motifs collectivement. Plus que de tirer des fils ou de suivre des lignes, le jeu de ficelles est surtout une pratique pour comprendre où l’on se situe au cœur d’un motif de relations complexes, autant pour faire prise avec ce motif que pour « composer-avec » ce ou celles·eux qui le constituent.

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II. Note d’intention

Photographie la Pulpe au studio Euphonia, Dispositif, 2019-2020

2 Depuis 2019, nous travaillons ensemble au sein du collectif de recherche-création La Pulpe, composée de Crys Aslanian, Loli Dubus, Aurélia Nardini et Ludmila Postel. Basé à Marseille, le collectif mène une recherche sur la création sonore et collective à travers l’écoute, allant des musiques traditionnelles aux outils de mise en réseau numérique. Le groupe s’est formé durant une résidence du collectif r∆∆dio c∆∆rgo dans le laboratoire Locus Sonus, La Pulpe a d’abord été le nom d’une série de veillées radiophoniques dans laquelle se rencontraient étudiant·es, artistes-résident·es et doctrant·es. Nos expérimentations se concentrent sur des jeux d’écoute et d’improvisation en ligne comme en présentiel. Nous considérons La Pulpe comme une entité sympoïétique créative alliant différents humains, qui à travers les branchements et les jeux d’improvisation, se lient aux autres dans le temps et dans un espace sonore partagé. 

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Générique de la Pulpe

3 Cet article, écrit à quatre mains, propose d’analyser et de comprendre de quelle manière l’hétérographie, cette « écriture de la différence », se manifeste dans une pratique du jeu de ficelles comme processus de réappropriation des dispositifs télématiques. Autant support de la construction d’une pensée que marqueur de la singularité de celle-ci, l’hétérographie propose de définir le processus par lequel l’affirmation d’une identité est, par la même occasion, génératrice d’altérité. C’est-à-dire que plus une identité affirme la spécificité de son style, plus celui-ci rend manifeste ce avec quoi il tend à rompre. Grâce aux connexions permises par nos dispositifs télématiques, nous cherchons à rendre manifeste les relations d’un groupe d’individus lorsqu’ils sont mis en réseau. Le terme de « télématique » a été défini par l’artiste-chercheur Roy Ascott comme : « [...] l’ensemble des communications qui se font au moyen d’un ordinateur fonctionnant en réseau grâce aux liaisons par téléphone, câble et satellite, établies entre des individus et des institutions géographiquement dispersés mais connectés à des systèmes de traitement de données, à des appareils de perception à distance ainsi qu’à d’importantes banques de données ». Dans notre cas, nous parlons des outils propres au plateau-radio, à savoir des microphones, des casques, des tables de mixage, de réseaux d’émission et de réception propres au streaming mais aussi d’univers persistants en 3D accessibles en ligne. Nous utilisons le substantif « dispositif » pour décrire nos travaux selon le sens que lui donne le philosophe Giorgio Agamben : « [...] à savoir tout ce qui a, d'une manière ou d'une autre, la capacité de déterminer, d'intercepter, de modeler, de contrôler et d'assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants ».

Cet article se pense comme une analyse hétérographique du travail de La Pulpe. Nous cherchons à comprendre ce avec quoi le style du jeu de ficelle harawayen, tel que mis en pratique par la collectif, tend à rompre.

Les dispositifs de La Pulpe mettent en commun et distribuent le contrôle, l’information et l’autorité exercée au sein du collectif.

Ce partage et cette distribution concernent autant les dispositifs eux-mêmes, que la création des contenus qu’ils font circuler, au même titre que les relations qui lient les participant·es. L’article compare deux expériences réalisées par La Pulpe mettant l’accent sur la participation d’étudiant·es dans le cadre pédagogique de l’Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence (ESAAix). La première est Tr∆ns∆tl∆s, un radio drama réalisé pour la sortie de résidence de r∆∆dio c∆∆rgo En juin 2019. La seconde est Voyage en New Atlantis, un workshop en ligne qui a eu lieu en novembre 2020. Par les différences entre ces deux expériences, un radio drama et un workshop, nous souhaitons montrer que l’hétérographie qui se dégage de notre travail de recherche-création est une hétérographie du faire-ensemble à travers les réseaux ainsi que de l’écoute des contextes dans laquelle elle s’écrit.

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III. Relation télématique, l’hétérographie par la création de dispositifs techniques

4 Comment nos jeux de ficelles s'incarnent-ils dans nos dispositifs techniques ? Partager et échanger des informations à travers un dispositif nécessite un support de liaison, de mise en réseau, dans le cadre du travail de La Pulpe ce support à valeur d’interface. Ascott souligne déjà en 1990 l’importance de l’interface comme outil d’extériorisation de notre perception, non pas en ce qu’il la remplace, mais en ce qu’il la complète : « L’essence de l’interface réside dans sa flexibilité potentielle. Elle peut accepter et livrer des images à la fois fixes et en mouvement, des sons construits, synthétisés ou samplés, des textes écrits et parlés. Elle peut ressentir la chaleur, les signaux corporels, avoir conscience de l’environnement. [...] Elle ne se contente pas d’articuler du mouvement, du son ou de la lumière à un environnement physique ; elle est elle-même un environnement […] » Tout ce que l’interface est capable de nous transmettre comme sensations et perceptions ne dépend que de ce que nous y mettons, de l’environnement, du dispositif, que nous construisons avec elle. Dans un art télématique, l’expérience sensible vécue dépend de ce qu’Ascott appelle « l’output sensoriel », c’est-à-dire la qualité sensible de l’interface. Les dispositifs techniques de La Pulpe sont activés par des interfaces qui connectent les individus et les machines pour faire émerger des expériences sensibles partagées. Et de la même manière que l’enregistrement audio a pu être une manière d’entendre l’inaudible, par exemple en glissant le microphone dans des espaces où l’oreille ne peut aller, l’interface télématique, dans sa grande flexibilité, ouvre un horizon de nouvelles perceptions.

Parce qu’il y a un environnement, il y a un réseau de relations d’où émerge l’expérience sensible.



Le fonctionnement en réseau décloisonne et provoque des croisements nouveaux entre disciplines qui font naître des pratiques intermédiaires. Le réseau permet la co-création d’un espace-temps partagé de l’écoute, mais démultiplié, une sorte d’élargissement de l’espace-temps musical. Pour reprendre la terminologie de Haraway, c’est un jeu de ficelles tissé entre différents espaces-temps. Nous allons décrire les dispositifs techniques de Tr∆ns∆tl∆s et Voyage en New Atlantis afin de mettre en avant la manière dont ils génèrent un sentiment de présence et d'altérité chez les participant·es dans les espaces virtuels du plateau radio et du réseau internet.


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Photographie de la performance Tr∆ns∆tl∆s, 2019. Image © Peter Sinclair

Enregistrement de La Pulpe Tr∆ns∆tl∆s, 2019

5 La performance Tr∆ns∆tl∆s a été créée à l’occasion de la sortie de résidence de r∆∆dio c∆∆rgo à Locus Sonus en juin 2019. C’est cette résidence qui a permis la création de La Pulpe afin de dissocier un travail purement artistique d’un travail de recherche-création. Cette restitution est née du désir de mettre en place un dispositif d’improvisation de théâtre radiophonique, ou radio drama dans sa version anglo-saxonne, avec pour objectif que les participant·es, les narrateur·ices et les musicien·nes soient en mesure d’improviser une histoire à travers la création d’un dispositif d'improvisation radiophonique en direct. Celui-ci permet de relier chacune des quatre narratrices par des casques audio à l’un·e des quatre musicien·nes. Les musicien·nes participent à créer une dramaturgie en créant des espaces sonores, des ambiances, à l’intérieur desquels les narrateur·ices improvisent. Cela permet de produire, dans un premier temps, des duos isolés les uns des autres. Ces duos apparaissent alors dans la narration chacun leur tour. Les participant·es qui ne jouent pas ne peuvent pas entendre ce qui est produit par les autres binômes, iels n’ont donc aucune idée de l’avancée de la performance. Ce sont les possibilités de la table de mixage qui permettent de répartir une source sonore en direction de certains casques. Le dispositif permet, dans un deuxième temps, de créer et de séparer les duos pour composer de nouveaux groupes en trio, en quatuor ou plus. Pour comprendre le système de jeu de ficelles de Tr∆ns∆tl∆s, il est important de comprendre sa mécanique de jeu et celle-ci existe de deux manières. Une première mécanique de jeu est encadrée par trois personnes qui manipulent l’ensemble technique. Le·a Meneur·se du Jeu oriente les narrateur·ices dans leur improvisation, l’ingénieur du son est derrière la table de mixage pour coordonner la cohérence sonore de l’ensemble de la performance et une personne a la charge du routage, c’est-à-dire de la répartition des pistes sonores entre les casques. Cette dernière opération crée les espaces qui réunissent les participant·es en un point radiophonique, à savoir un espace de jeu à la fois télématique, fictionnel et sonore. Cette première mécanique offre donc la possibilité à trois personnes, en retrait de la fiction, d’agir de manière extérieure sur le dispositif à trois endroits spécifiques.

Ces mises en tension agissent sur les participant·es en créant des espaces de jeux sonores qui les unissent et qui les désunissent, en leur donnant plus ou moins d’importance, en jouant sur les volumes, et en interagissant directement avec iels, en guidant la fiction.

Ces trois fonctions, ou plutôt rôles, possèdent donc un point de vue omniscient sur la création.

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Schéma technique du dispositif de Tr∆ns∆tl∆s, 2019

6 En parallèle de cette mécanique de jeu extérieure et technique, une deuxième mécanique permet aux participant·es saisi·es par le dispositif d’improviser ensemble depuis l’intérieur de celui-ci. Cette deuxième mécanique est celle du jeu sonore et de l’écoute entre participant·es qui communiquent en agissant directement sur la narration qui se déroule, c'est-à-dire en agissant sur l’histoire qu’iels sont en train de co-générer. Dans le cas d’une création radiophonique en direct, les différents éléments pour jouer et pour improviser d’un point de vue narratif sont le langage verbal, la musique, les bruitages et les ambiances Pour comprendre ce qui se produit dans l’écoute lorsque les participant·es improvisent, nous nous intéressons à la notion de « sonic awareness », que l’on peut traduire en français par « conscience sonore », développée par Heidi Von Grunden à propos du travail de la compositrice contemporaine Pauline Oliveros, dans son article « The Theory of Sonic Awareness in the Greeting by Pauline Oliveros ».

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Représentation de l’attention et de la conscience de l’écoute selon Pauline Oliveros, réalisé par Crys Aslanian

7 Selon Oliveros, l’écoute possède au moins deux dimensions qui correspondent à la « conscience » et à « l’attention ». Ce qu’elle nomme « conscience » se porte sur la perception des aspects globaux et non-linéaires du son, incluant ce que l’on entend sans nécessairement se focaliser dessus, comme certaines résonances, variations de timbre ou autres bruits parasites ou ponctuels, et qui souvent participent à définir l’environnement. « L’attention », elle, se porte sur les aspects distincts et identifiables du son cherchant à révéler les motifs, les récurrences ou les spécificités propres à chaque timbre. The Greeting est une pièce qui fait partie des Sonic Meditations composée par Pauline Oliveros en 1971 dont la partition est constituée de 25 méditations dédiées au Ensemble ainsi qu’à l’aviatrice Amelia Aehart. Elle y propose une série de jeux d’écoute, d’improvisations sonores et de visualisations à interpréter collectivement. Les méditations impliquent toutes de suivre la même procédure constituée de quatre actions : produire réellement du son, imaginer activement les sons, être à l’écoute des sons présents et se souvenir des sons passés.

L’écoute possède au moins deux dimensions qui correspondent à la « conscience » et à « l’attention »

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8 Oliveros ajoute dans l’introduction de la partition qu’elle est « particulièrement intéressée par le pouvoir guérisseur de l’énergie sonore et de la transmission de cette dernière au sein du groupe ». Elle poursuit en écrivant que la part de soin liée à la pratique des méditations sonores se manifeste de quatre manières. D’abord, le pouvoir de soin s’active par le fait de créer du lien avec les autres participant·es aux travers d’une expérience partagée. Il se manifeste ensuite, lorsque l’expérience intérieure vécue par l’une des participant·es se fait connaître et est acceptée et reçue par le reste du groupe en lui donnant une place. Puis, ce pouvoir s’anime lorsque qu’un·e participant·e réalise qu’iel est en phase avec l’environnement qui l’entoure, avec la forme et la direction que prend l’improvisation.

Enfin, il s’active aussi lorsque des éléments apportés par l’un·e des participant·es se trouvent intégrés et rejoués par le reste du groupe. Ainsi, chez Oliveros, ce qui soigne c’est la propriété polyphonique du son qui donne une représentation en temps réel d’un écosystème d’individus se manifestant, lui, par l’émergence d’un matériau sonore hétérogène.



Dans le cadre de Tr∆ns∆tl∆s, la narration radiophonique co-générée par les participant·es, grâce la musique, au langage verbal et aux sons, leur permet de se suivre et de jouer ensemble.

Cette narration les renseigne aussi à tout moment sur la présence de chacun·e, sur leur capacité à agir et à faire prise avec le matériau sonore mais aussi à manifester des complicités en remémorant au cœur de cet écosystème radiophonique des éléments apportés par les autres au préalable. Donc, avec Tr∆ns∆tl∆s, le dispositif télématique comme pratique de jeu de ficelles permet la circulation d’informations entre les participant·es à deux niveaux. Tout d’abord à un niveau technique et externe où le matériel permet de tracer un dispositif télématique, qui lui-même évolue et se réinvente durant la performance. Puis à un niveau interne, où l’échange par l’écoute et l’improvisation utilisent la narration radiophonique comme interface pour « composer-avec » le dispositif depuis celui-ci. Ces deux approches se produisent en simultanée.

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Vidéo de démo de New Atlantis, 2020

9 A la suite de cette première expérience, nous avons organisé le workshop en ligne Voyage en New Atlantis, en novembre 2020, avec pour objectif de travailler sur un usage pédagogique et créatif de la plateforme New Atlantis, monde virtuel en ligne dédié à la création et la recherche en arts sonores et développé par le groupe Locus Sonus.

L’objectif du workshop a été de mettre à profit nos expérimentations passées afin d’utiliser les interfaces télématiques pour leurs qualités de pratique d'écoute et d'espace partagé pour allier création et transmission de savoir. Au départ, le workshop devait avoir lieu en présentiel à l’école mais les directives sanitaires liées à la pandémie de Covid-19 nous ont obligé à le transformer en un moment de travail collectif entièrement en ligne. Comme pour Tr∆ns∆tl∆s, il fallait inventer un dispositif technique qui nous mette en relation, mais celui-ci devait aussi permettre de vivre et de travailler pendant une semaine. Il ne fallait donc pas créer un dispositif performatif mais un lieu de vie. Le contexte sanitaire, régissant nos conditions de travail depuis mars 2020, nous avait déjà donné l'occasion de tester différents outils en ligne aussi bien pour la création que pour la diffusion artistique et scientifique. A notre connaissance, aucune plateforme unique n'intégrait, à ce moment-là, l’ensemble de nos besoins. Par conséquent, et contrairement aux systèmes actuels tels que les métavers, qui regroupent un grand nombre de fonctions et d’usages, nous avons décidé de travailler de manière modulaire en accumulant des outils de travail et de collaboration en réseau.


Contrairement aux systèmes actuels tels que les métavers, nous avons décidé de travailler de manière modulaire en accumulant des outils de travail et de collaboration en réseau.

L’enjeu étant de trouver un équilibre entre les usages prévus et les plateformes choisies. Les participant·es ont fait un voyage télématique, avec l'idée d’habiter un nouveau lieu constitué comme un archipel de plateformes en réseau pour pratiquer l'improvisation sonore et narrative, l'écriture, la discussion et l’écoute. De ce fait, et contrairement à Tr∆ns∆tl∆s, le monde dans lequel les participant·es sont projeté·es n’est pas créé collectivement mais construit en amont, en testant les relations possibles entre les différents outils. Il faut imaginer que nous avons assemblé des pièces pour que les participant·es les habitent et les relient.

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Capture d’écran des quatre plateformes utilisées, 2020

10 Notre jeu de ficelles se tisse entre quatre plateformes : New Atlantis, Discord, Notion et Twitch. Le monde virtuel de New Atlantis a le statut d’atelier de création sonore et visuelle en utilisant ses caractéristiques d’écoute partagée en temps réel. C’est l’espace où nous nous retrouvons pour inventer des formes, c’est le lieu du « faire ». La plateforme Discord fait office de lieu de discussion. Cet outil regroupe un grand nombre de serveurs thématiques où chaque utilisateur·ice peut se connecter sur invitation. Chaque serveur peut ensuite être organisé en « salons de discussion » textuels ou vocaux. Plusieurs espaces peuvent ainsi co-habiter à la manière de salles de classe.

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Capture d’écran liste des salons, 2020

11 « L’auditorium » et « Locus Sonus » accueillent tout le groupe. Le « bureau de Crys » et le « bureau de Ludmila » permettent de répartir les participant·es pour les travaux en demi-groupe et pour des discussions spécifiques avec l’une de nous. L’espace « Lounge » et la « cafétéria » sont dédiés à des écoutes et des discussions informelles. De cette manière, les rendez-vous sont donnés aux participant·es dans chacun des salons, en fonction du programme. L’ensemble des espaces collectifs de discussion prend ainsi place dans un serveur Discord. Cependant, il n’est pas possible d’y stocker des documents, des productions ou encore des références, ni d’avoir des espaces individuels pour les participant·es. Pour cela, Notion, qui est un outil d’écriture collaboratif, s’avère pertinent. La page d’accueil regroupe un ensemble de liens vers d’autres pages, comme des portes vers des salles de travail.

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Capture d’écran page d’accueil du notion,2020

12 Le Notion du workshop contient des espaces de documentations, comme le planning, et de travail collectif, comme la salle d’écriture collaborative, ainsi que les journaux de bord des participant·es, qui sont des espaces individuels que chacun·e peut remplir comme iel le souhaite. Enfin, Twitch, plateforme de streaming vidéo, est utilisée pour diffuser nos travaux en ligne : une performance quotidienne et, en fin de semaine, une restitution publique.

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Vidéo de la visite des installations conçu par les étudiant·es, 2020

13 En activant cet archipel de plateformes, c’est-à-dire en s’y retrouvant et en les utilisant ensemble, il est devenu l’espace virtuel du workshop. L’ensemble du dispositif et son mode d’activation ludique permet à Voyage en New Atlantis de faire cohabiter différents types d’écriture aussi bien entre les identités des participant·es qu’entre les différentes natures des plateformes et médiums de création. Afin de faire émerger et maintenir une dynamique de groupe, les journées sont rythmées autour de moments identifiés et positionnés dans l’archipel des plateformes. Le planning prévu est accessible à tous·tes sur la page Notion sous cette forme :

En activant cet archipel de plateformes, c’est-à-dire en s’y retrouvant et en les utilisant ensemble, il est devenu l’espace virtuel du workshop.

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Capture d’écran du planning sur Notion, 2020

14 Si la première journée est axée sur la formation aux outils, les suivantes sont partagées entre des moments de discussion et des activités de création collective et individuelle. Les discussions de groupe ont été des moments très importants lors d’une période de confinement difficile pour les étudiant·es qui se sentaient très isolé·es. La première a lieu le matin et fait office de « météo des humeur » durant laquelle chacun·e peut verbaliser son état d’esprit. La seconde a lieu en fin de journée et sert à en faire le bilan ainsi qu’à répondre à d’éventuelles questions ou envies. Le soir, chacun·e doit remplir son journal de bord de manière libre et répondre à quelques questions posées par écrit. Le journal de bord offre une autre manière de s’exprimer individuellement sur le workshop et sur ses désirs. Le temps pris pour ces conversations est loin d’être anodin, il est au contraire une fondation sur laquelle nous pouvons construire nos expériences d’être ensemble. Les conversations sont enregistrées afin d’archiver la manière dont les participant·es prennent en main ou non l’espace du workshop. Ainsi le lundi soir, les discussions tournent surtout autour de problèmes techniques alors que dès le mercredi, on entend plus de propositions et de questions sur des usages possibles imaginés par les étudiant·es.

Ces discussions sont autant une méthode pour faire émerger la co-création qu’un ensemble de données de recherche mettant en avant les vécus du groupe.

Si l’expérience a fonctionné sur la majorité des participant·es, il faut signaler que trois d’entre iels ont abandonné. Il s'agit soit de personnes non-francophones avec plus de difficulté à s’adapter à un espace virtuel en français, soit d’étudiant·es en situation de décrochage scolaire.

En conclusion, l’une des caractéristiques hétérographiques de notre recherche est que nos dispositifs s’incarnent par le traçage d’un réseau à travers le matériel technique. Ce traçage, ces lignes au sens
d’Ingold ont pour but de révéler à l’ensemble du collectif le potentiel de médialité des dispositifs, c’est-à-dire qu’une fois manifestés, ils suscitent le désir d’être empruntés et utilisés pour communiquer et surtout celui d’entrer en relation. Nous tenterons de voir dans la seconde partie comment les pratiques ludiques permettent d’activer ces dispositifs.

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IV. Intercréativité, le jeu de rôle comme méthodologie pour la création collective

15 Quelle hétérographie produisent les mécaniques ludiques appliquées au jeu de ficelles ? Pour activer nos dispositifs techniques, nous utilisons des mécaniques ludiques caractérisées par leur capacité à créer des relations entre les participant·es. Le concept d’intercréativité a été cruciale pour La Pulpe afin de passer, entre autres, de l’expérience de Tr∆ns∆tl∆s à celle de Voyage en New Atlantis. Proposé par Coralie David, chercheuse spécialiste des relations entre création littéraire et jeux de rôle(JdR), ce concept désigne l’ensemble des qualités de création narrative improvisée du JdR. Dans son article « Le jeu de rôle sur table : une forme littéraire et intercréative de la fiction », David écrit : « Pour la définir, l’intercréativité permet de co-créer une fiction au lieu de limiter les choix des récepteurs au simple fait de réagir à un contenu qui leur est proposé. En cela, elle représente un prolongement de l’interactivité. La réception devient dès lors une étape du processus créatif ». Autrement dit, l’autrice aborde le jeu par le prisme de l’expérience que les joueur·euses fabriquent avec l’objet, reprenant ainsi la dichotomie historique des études sur le jeu entre le game et le play. Le game permet de poser le cadre du jeu et le dispositif d’interactions comme peut l’être un échiquier avec ses pièces et la manière de les déplacer. C'est l'objet de jeu. Tandis que le play se focalise sur les combinaisons possibles et les stratégies qui peuvent être élaborées par chaque joueur·euses et qui permettent au jeu de prendre forme. C'est l'expérience du jeu, l'action de jouer. Cette tension se cristallise, toujours en anglais, par l’association de ces deux mots pour former le terme de gameplay, qui peut être traduit en français par jouabilité ou par mécanique de jeu.

Dans le cas du JdR, c’est la fiction elle-même qui va permettre de créer cette tension en suivant plusieurs étapes. Tout d’abord une première étape consiste à séparer les différents codes qui caractérisent le genre fictionnel comme peuvent l’être la fantasy, le polar ou la science-fiction, on parle alors de « disruption du bloc fictionnel ». Puis, le travail effectué par les auteur·ices de JdR consiste à transformer ces différents éléments en mécanique de jeu pour les mettre à disposition des joueur·euses sous la forme d’un système de jeu. Enfin, la création d’une nouvelle fiction émerge lors de la partie, par la réorganisation des différents éléments narratifs et des mécaniques séparées au préalable, et augmentées par ce que les joueur·euses y apportent. C’est lors de cette troisième étape que le média JdR est intercréatif dans un processus que David qualifie de « narratif et démiurgique », devenant ainsi une pratique conversationnelle où s’entremêlent la création d’univers fictionnels ainsi que celle des différentes narrations qui y prendront place.


L’intercréativité apparaît comme le processus par lequel le collectif peut aussi bien jouer dans le cadre du jeu que jouer du cadre lui-même à l’oral.

Cette mécanique intercréative est au centre des pratiques collaboratives que nous avons essayé de faire émerger lors des deux expériences décrites dans cet article.

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Interlude

16 « Mai 2019 : Nous sommes à la terrasse du Gaulois, un café d’Aix-en-Provence. Avec les étudiant·es. Nous sommes autour de nos ordinateurs sur un document partagé. Le groupe structure la performance qui aura lieu la semaine suivante. Peu à peu, les éléments d’une diégèse co-générée collectivement s’assemblent et se séquencent pour révéler des scènes d’improvisation. L’univers que nous avions créé, jusqu’à lors mis à plat, se verticalise à travers la chronologie des scènes. Elle laisse apparaître une dramaturgie en plusieurs actes. Puisque nous savons tous·tes dans quelle direction l’histoire nous dirigera, le travail d’improvisation consistera à alimenter la tension narrative en créant les éléments qui nous permettront de passer d’une scène à une autre ».

Tr∆ns∆tl∆s est avant tout un dispositif d'improvisation radiophonique en direct pour musicien·nes et narrateur·ices. L’objectif est que les participant·es, les narrateur·ices et les musicien·nes soient en mesure d’improviser une histoire à travers la création d’un plateau-radio. Ce dernier, décrit dans la première partie, a pour fonction de mettre en relation des participant·es uniquement par le son, au casque. Notre hypothèse est que cette mise en situation influence le jeu des narrateur·ices en se servant de la tension créatrice produite par l’improvisation. Dans le cas de T∆ns∆tl∆s c’est précisément la fiction, à savoir l’histoire que souhaite raconter les participant·es, qui permet de circuler sur cette tension créatrice intercréative.

Dans un système d’improvisation, la fiction a avant tout un rôle d’interface entre les différents composants.

Dans notre cas, ces composants sont autant le dispositif télématique que les participant·es. Comme l’improvisation est au cœur de notre système, nous avons donc choisi de nous accorder sur le type de fiction racontée. Ainsi, les vides laissés dans la structure narrative sont décidés collectivement, ils seront alors à combler lors de la performance par les interventions improvisées.

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17 Pour cela, nous avons conçu un monde fictionnel de planet opera afin d’y développer notre histoire à la manière d’un jeu de rôle (JdR). Leslie Astier, alors étudiant·e en 5ème année, a proposé d’utiliser un système de création de monde provenant du JdR The Ground Itself. Les participant·es évoluent dans un monde fictionnel inventé collectivement. Le système de création de ce monde fonctionne par tirage de cartes d’un jeu standard. Chaque couleur est associée à une catégorie, comme Le Sol, La Politique, Le Peuple et Les Mythes ; et chaque tête correspond à une question à laquelle doit répondre la personne qui la tire. On peut, par exemple, considérer que le Valet de Trèfle est associé à la question « À quoi ressemblait ce lieu dans le passé ? C’était il y a combien de temps ? ». De cette manière, chaque participant·es ajoute sa touche à la diégèse jusqu’à ce que ce monde paraisse stable dans l’imaginaire du collectif.

Chaque participant·e ajoute sa touche à la diégèse jusqu’à ce que ce monde paraisse stable dans l’imaginaire du collectif.

Ce système a été utilisé pour créer la diégèse de notre récit.

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Diégèse Tr∆ns∆tl∆s, écrite par Leslie Astier

18 C’est sur cette base narrative qu’une grille radiophonique est élaborée, et c’est à partir de cette grille que le dispositif télématique est conçu. La fiction a donc ici un rôle logiciel (software) entre la partie technique (hardware) et la partie humaine (wetware). C’est elle qui va rendre logique la manière dont chacun·e va traiter et utiliser les informations échangées et ce, depuis l’intérieur même de la fiction pour les participant·es qui improvisent, et depuis l’extérieur de celle-ci pour les trois personnes en charge de la technique. Cependant, la performance ne s’est pas déroulée de manière aussi fluide et nous verrons pourquoi par la suite.

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Grille conductrice de Tr∆ns∆tl∆s, 2019

19 Lors de Voyage en New Atlantis, l’expérience a été très différente. Nous avons souhaité continuer à intégrer des formes issues du JdR pour créer des espaces créatifs et collectifs où chacun·e puisse trouver sa place. Des mécaniques ludiques du JdR ont été utilisées pour proposer des exercices d’écriture improvisée non-performatifs. Ils sont inspirées du système de mini-jeu utilisé par Mobile Frame Zero, Firebrands qui permet de narrer des situations imaginaires individuelles ou collectives à partir de séquences à choix multiples.

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Image du jeu Mobile Frame Zero, 2020, image © Mister Fabrissou

20 Le workshop interrogeant la déambulation dans et entre des espaces virtuels, le choix des séquences est orienté sur des déambulations à travers des aventures fantasmées. La séance d’écriture quotidienne se déroule de la manière suivante : l’ensemble des participant·es se retrouve dans le salon vocal « bureau de Crys » sur Discord alors animé par une ambiance musicale. Pendant une heure, une séquence est proposée toutes les quinze minutes et chacun·e formule un court récit par écrit. Si l’écriture est individuelle et sans conversation, les participant·es sont dans un espace-temps commun. On peut voir les séances d’écriture partagée et collaborative comme une forme d’échauffement permettant de nous retrouver le matin, comme une forme de réveil partagé. Nous avons ensuite inventé nos propres séquences pour imaginer une déambulation dans une ville imaginaire.

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Capture d’écran, exemple d’une carte et du texte associé, 2020. Image © Mister Fabrissou

21 A la fin de la semaine, les séquences inventées ont été échangées pour composer un texte collaboratif issu de la multiplicité des écrits individuels Cet exercice d’écriture amène une forme de méditation partagée conduite par les séquences et l’ambiance musicale. Le jeu et sa fiction nous connectent. L’autre aspect qui nous rapproche du JdR est le journal de bord qui peut être considéré comme l'équivalent d’une fiche de personnage nécessaire à certains jeux. Avant de commencer une partie, les joueur·euses inventent le personnage qu’iels incarneront lors du jeu. Pour maintenir la cohérence de l’univers fictionnel, le personnage doit répondre à certaines règles. Elles peuvent être un ensemble de statistiques obtenues par des jets de dés, comme sa force et le nombre de ses points de vie, ou un ensemble de questions orientées, telles que : « Quel est votre métier ? Votre âge ou votre intention en venant ici ? ». En arrivant pour la première fois dans leur journal de bord, les étudiant·es ont répondu à un certain nombre de questions. Ce questionnaire avait deux objectifs, d’une part leur permettre de se présenter comme membre du workshop ; mais aussi de collecter des informations sensibles et variées sur leurs vécus, nécessaires à nos recherches. L’ensemble de ces journaux de bord donne un aperçu en jeux de ficelles des différentes expériences.

Nous pouvons donc dire que l’une des particularités hétérographiques de nos dispositifs est l’utilisation de la fiction pour mettre en relation le matériel technologique que nous utilisons avec les participant·es. La fiction est utilisée pour communiquer dans Tr∆ns∆tl∆s tandis qu’elle prend une forme d’environnement ludique pour induire les usages des différentes plateformes dans
Voyage en New Atlantis. Dans la partie suivante, nous allons interroger le rôle du contexte pédagogique de l’école d’art sur nos processus d’écriture et de création.

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V. L’hétérographie au coeur du processus de transmission

22 Comment le contexte pédagogique influence-t-il l’hétérographie de la recherche-création ? Nos deux expériences ont pris place dans le contexte pédagogique de l’Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence. En tant que dispositifs destinés à l'émergence collective, il nous est impossible de ne pas questionner les relations induites par l’espace didactique d’une école. La musicologue et enseignante-chercheuse Grazia Giacco s’est spécialisée sur une approche didactique de la recherche-création. Dans l'ouvrage « Recherche création et didactique de la création artistique » elle définit la recherche-création comme : « une possibilité de créer des connaissances à partir d’une pratique artistique et de les diffuser selon des modes propres - qui peuvent ou pas s’inspirer de démarches scientifiques mais qui en aucun cas devraient y être soumis comme principe de validité »

Il s’agit alors de penser les formations en arts comme un enseignement de démarches artistiques et d’expériences esthétiques et poïétiques qui permettent de développer « des compétences à créer » plus que de s’attacher à la production d’objets finis.

Dans ce contexte, la recherche création ouvre la possibilité d’envisager la formation comme un moyen d’activer des expériences pour chacun·e et pas uniquement comme une transmission de savoirs de professeur·e à étudiant·es. L’artiste-enseignant·e n’est plus un·e observateur·rice mais un·e participant·e à la construction des apprentissages. Giacco soutient alors la thèse que la notion d’enseignant, trop clivante, pourrait être remplacée par celle d’accompagnement où la connaissance s’enrichit par les méthodes mises en place. Dès lors, la création n’est plus analysée comme un objet mais comme un processus où la pratique artistique est un support d’apprentissage autant pour les étudiant·es que pour les artistes et les enseignant·es. Giacco va jusqu’à supposer que la recherche-création est un outil nécessaire à la didactique de la création artistique. De plus, il ne faut pas oublier que les pratiques du réseau, qui sont au centre de nos travaux, sont des pratiques qu’il faut apprivoiser. Si toutes les formes de technique s’acquièrent par apprentissage, la particularité de la pratique artistique collective en réseau, d’autant plus lorsqu’elle relève de l’art sonore, est d’apprendre à gérer sa propre présence. Pour se projeter dans l’espace virtuel du réseau et faire émerger une co-présence en ligne, il faut un temps d'apprentissage important des outils. Comme le souligne l’artiste Jérôme Joy, la pratique amène : « au fur et à mesure à une aisance et une expertise dans ses propres modes d’intervention, pour décider de la pertinence de ses inserts et de ses présences ». Il s’agit alors de développer une technicité de la perception de sa propre présence et de celle de l’autre. Sentir l’autre télématiquement peut demander une forme d’apprentissage, car être sensible à un corps distant sort de nos paradigmes habituels de relations. Il faut se rendre présent·e au monde et à l’autre – et inversement – et dans un acte volontaire, partir à la recherche de l’autre. Ces approches nous permet d’analyser les processus collectifs comme des compétences à créer de la relation et comme connaissances émergentes de Tr∆ns∆tl∆s et Voyage en New Atlantis.

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23 Une fois l’univers fictionnel de Tr∆ns∆tl∆s co-créé, et avant de concevoir notre grille radiophonique, la trame narrative est déterminée au préalable. Cette trame implique qu’un ensemble de protagonistes soient isolés dans des espaces sonores séparés. Cette idée vient du film Cloud Atlas qui raconte l’histoire de sept personnages séparés dans le temps et l’espace mais qui entrent en écho et résonnent les uns avec les autres dans leurs parcours d’émancipation respectifs. Leslie a proposé d’y ajouter une approche dans laquelle les narrations avancent bloc par bloc, chaque acte venant redistribuer les configurations de chaque espace sonore sans transition. Leslie s’est inspiré du film Snowpiercer, le Transperceneige dont la structure narrative repose sur la remontée des différents wagons d’un train, chaque wagon étant un monde à part entière. C’est en hommage à ces deux films de science-fiction que nous avons appelé le projet Tr∆ns∆tl∆s et c’est cette structure narrative que nous avons appliquée à notre diégèse pour co-créer la grille radiophonique avec les étudiant·es. Cette dernière associée à la pratique d’improvisation sont alors le cœur du processus de création.

L’objectif de Tr∆ns∆tl∆s ne se situe pas dans l’oeuvre sonore résultante mais dans la manière dont la grille radiophonique permet de dynamiser le moment d’écoute et d’improvisation.

Ce point de la performance n’est, cependant, pas cohérent avec le reste du projet. Imposer une trame pour raconter une histoire précise, un récit donc, est incompatible avec des situations d’improvisation complètement nouvelles pour les étudiant·es. Cela crée un flou autour de la notion de jeu, à savoir la différence entre jouer ensemble et jouer la comédie, entre expérimenter collectivement à l’intérieur d’un dispositif de façon auto-exploratoire et interpréter une partition. La fiction, dans notre cas, peut être envisagée avec une approche similaire à celle de la vague chez Jon Anderson qui définit « la vague à surfer » comme un espace relationnel qui fait converger les surfeurs et les assemblent temporairement jusqu’à ce qu’elle se brise. Or les étudiant·es se sont retrouvé·es dans la situation de suivre une trame plus que de la faire émerger collectivement. Cela vaut aussi pour les trois personnes encadrant le dispositif. Iels sont dans une position d’autorité à la manière d’un·e enseignant·es encadrant le groupe, que l’on pourrait comparer à celle produite par la vague. Cela les empêche de jouer avec les autres. La trame narrative l’emporte alors sur les enjeux de communication interne du dispositif en l’assignant à produire quelque chose en particulier. Dans ce cas précis, l’intercréativité est alors confuse et notre utilisation de la fiction, comme manifestation du collectif, devient involontairement ambivalente. La fiction est en même temps, le canal par lequel communiquer entre nous horizontalement pour nous ajuster, ainsi que le canal qui impose la production de quelque chose d’extérieur au collectif comme au dispositif. Or, ce n’étaient pas notre intention et nous avons, par la suite, réfléchi à la manière d’éviter cette ambivalence dans nos expériences ultérieures. Ce point nous semble important, car il vient préciser une notion essentielle sur ce qui caractérise nos travaux. Nos jeux de ficelles sont sympoiëtiques, les fictions qui les animent, qui les mettent en tension et les détendent ne peuvent venir que d’une pratique et d’un dialogue entre les participant·es et les dispositifs télématiques, car, en reprenant les termes d’Agamben, c’est ce qui permet à des sujets saisis par un dispositif de rester des créatures vivantes en son sein.

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24 Pour Voyage en New Atlantis nous avons intégré la pratique performative tout au long des travaux de la semaine. Le jeu prend ainsi une place prépondérante pour créer ensemble des mondes visuels et sonores dans la plateforme New Atlantis. Chaque jour à 17h, nous nous retrouvons dans l’univers virtuel pour une session improvisée d’une trentaine de minutes. Si les premières ont été libres, c’est-à-dire que chacun·e apporte librement des objets sonores ou 3D dans New Atlantis, nous nous sommes rapidement aperçus que ce jeu à distance doit être activé collectivement par une règle pour donner lieu à une réelle expérience d’intercréativité. Depuis Tr∆ns∆tl∆s, nous avons compris que le jeu permet de mettre en relation les participant·es entre iels mais aussi avec les différents dispositifs sans provoquer de rapport hiérarchique.

Lorsque tout le monde suit une règle du jeu, il n’y a pas de chef d’orchestre et le processus créatif est au cœur des expérimentations.

Ces improvisations sont alors guidées avec des « partitions-règles du jeu », inventées ensemble. Malgré les soucis techniques rencontrés, le groupe a rapidement développé une pratique d’écoute et de construction collective dans New Atlantis. Avec ce mode de jeu, les participant·es sont parvenu·es à inventer des moyens de se rendre présent·es et de comprendre l’espace virtuel de différentes manières comme en témoignent nos discussions. Par exemple, un étudiant explique qu’il a participé à l’improvisation tout en étant sous la douche et en jouant avec l’eau : le son est diffusé en streaming dans le monde virtuel, amenant ainsi une manière de jouer ensemble inédite. Il a inventé un nouveau mode de présence dans New Atlantis avec un fort sentiment de participation à l’émergence collective.

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Crépuscule dans New Atlantis, GIF, 2020

25 Les improvisations sont diffusées publiquement sur la plateforme de streaming Twitch pour proposer des balades subjectives dans nos créations. Cette pratique s'apparente à celle du Let’s Play qui consiste à filmer des parties de jeux vidéo dans le but de partager le vécu d’une expérience interactive. Ainsi, une démo d’un univers virtuel tel que New Atlantis offre une expérience spécifique aux spectateur·rices capables de s’identifier aux joueur·euses. Regarder quelqu’un jouer à un jeu relève d’une expérience performative. Nous avons des confirmations de l'intérêt de ce type de restitution, par exemple avec le retour d’un spectateur qui parle d’une : « une véritable soundwalk immersive au travers des productions sonores ».

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Extrait improvisation collective dans New Atlantis, GIF, 2020

26 Les expériences de Tr∆ns∆tl∆s et Voyage en New Atlantis ont permis, grâce à leurs interfaces techniques, leurs façons d’être jouées et leurs modes de diffusion, de penser des écritures collectives, par la mise en place de dispositifs spécifiques qui s’adaptent autant aux contextes qu’aux participant·es. La particularité, ce qui les rend différents, et donc hétérographique, est de permettre des formes de co-création simultanée et en direct. Nos dispositifs connectent participant·es et machines. Le jeu permet d’organiser le temps et l’espace tout en invitant les participant·es à prendre la place dont iels ont besoin tout en restant à l’écoute des autres. La fiction, utilisée comme une interface qui se construit en temps réel, permet d’affiner cette mise en relation. Les modes de diffusion, impliquant une forme performance improvisée, pourraient sembler secondaires, ou comme le dit Von Gründen : n’être que des produits dérivés de cette mise en relation. Pourtant, le temps performatif vient lui aussi ajouter un enjeu qui augmente cette mise en relation. Il verrouille temporairement l’assemblage collectif sous la forme d’une équipe à travers le « faire-ensemble » et, en simultané, propre au jeu de ficelles harawayen. La Pulpe applique cette manière de collaborer dans le système pédagogique de l’école d’art pour se servir de ces dispositifs comme processus de recherche-création participatif. Notre enjeu principal est d’inventer des manières de travailler en relation permettant la création d’un espace-temps partagé de l’écoute mais aussi de la transmission de savoirs par la pratique collaborative.


Nous ne distinguons pas notre approche pédagogique de nos pratiques de recherches et de création. Aussi, lorsque nous intervenons dans ce contexte, nous ne nous considérons pas comme des personnes savantes venant enseigner à des étudiant·es mais comme des facilitateur·ices encadrant une expérience de création.

Nous appréhendons avec les étudiant·es ces nouveaux espaces émergents. La notion d’espace s’applique autant à New Atlantis, qui est un monde en images 3D donnant une illusion de perspective, que dans Discord où l’on navigue entre différents serveurs et entre écriture et oralité, ou encore sur un plateau radio, où l’on évolue dans le spectre sonore et la fiction tout en réceptionnant les propositions des autres participant·es. L'expérience est vécue par les yeux, par les oreilles, par le toucher, à travers nos écrans, nos casques et nos interfaces électroniques et surtout par nos déplacements et nos présences qui coexistent dans l’espace virtuel du plateau-radio, du réseau ou du serveur, mais aussi dans un espace fictionnel que chacun est en mesure de modifier. Cette possibilité, intercréative, de pouvoir jouer du fond et de la forme des dispositifs au même titre que des fictions produites par ces derniers, est ce qui, pour nous, constitue un geste hétérographique, l’écriture de notre différence.

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VI. Postlude

27 « Avril 2021. Cela fait maintenant 3 ans que nous nous connaissons. Nous sommes séparées d’un océan et d’une pandémie et commençons l’écriture de l’article. L’une de nous est à Marseille et réfléchit à comment écrire un article universitaire comme un blockbuster tandis que l’autre se retrouve clouée au lit et confinée à Bueno Aires plus longtemps qu’elle ne l’avait souhaité. Comment écrire à quatre mains ? Comment prolonger nos méthodologies de travail dans un exercice comme celui de l’écriture universitaire. Issu d’une recommandation Facebook, nous expérimentons un système de création narrative avec un jeu de cartes, Fabula. Nous le numérisons et le partageons à distance sur la plateforme Miro. Utilisant le jeu comme support pour discuter et prendre des notes à voix haute, la fiction de notre article commence à prendre des allures de film hollywoodien. Comme l’histoire se retrouve mise à plat sur un document partagé, des désirs de combinatoires commencent à apparaître.

Un article peut-il prendre la forme d’une narration non-linéaire ? Ou à choix multiples ?

Nous rêvons alors d’un article qui fonctionnerait par tirage et entre un tarot divinatoire et un livre dont vous êtes le héros : un article oraculaire.

Le savoir deviendrait ce qui se produit dans l’imaginaire du lectorat lorsque deux passages entrent en friction.

Cet article viendra plus tard, une autre fois peut-être. L’important est que nos pratiques de recherche et de pédagogie à travers les jeux d’écoute et la tendresse en réseau, nous les utilisons aussi entre nous, pour continuer à faire connaissance et pour faire face ensemble à l’adversité de nos quotidiens… »


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Notes

28

1 Haraway, Donna, Vivre avec le Trouble, 2016, traduction Vivien Garcia, Vaulx-en-Velin, Les Éditions des mondes à faire, 2016.

2 Dempster, Beth, 1978-1998, A Self-Organizing Systems Perspective on Planning for Sustainability, mémoire de master en études environnementales, Université de Waterloo, p. 191.

3 Locus Sonus est un groupe de recherche de l’Ecole Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence dont l'objectif est d'explorer les relations entre le son, l'espace et leurs usages. Pour plus d’informations : https://locusonus.org/wiki/index.php?page=About.fr&lang=fr
[consulté le 21 mars 2022].

4 Le néologisme « télématique » a été créé par Simon Nora et Alain Minc dans L'informatisation de la société, Paris, La Documentation française, 1977, p. 2.

5 Ascott, Roy, 1990, « Y’a-t-il de l’amour dans l’étreinte télématique ? », publié en 2020 dans Connexions : Art, réseaux, media, sous la direction de Bureaud Annick et Magnan Nathalie, Ecole des Beaux-Arts, Paris, p.165.

6 Agamben, Giorgio, Qu’est qu’un dispositif ?, Paris, Rivages, 2014, p.32.

7 r∆∆dio c∆∆rgo est un collectif d’artistes autour des pratiques radiophoniques improvisées. Fondée par Aurélia Nardini et Crys Aslanian en 2017, c’est lors d’une résidence dans un container aux Ateliers du Vent à Rennes que le collectif trouva son nom. Plus d’informations : https://www.raadiocaargo.com, consulté le 21 mars 2022.

8 Ascott, Roy, op. cit., p.175.

9 La Pulpe #04_Tr∆ns∆tl∆s, performance, 31/05/2019. Meneur·se de jeu: Leslie Astier, ingénieure du son: Aurélia Nardini,  routage des casques: Crys Aslanian, étudiant·es : Loli Dubus, Zixuan He, Virginie Jordan, Mitchell Hernan, Lise Godard, Nassim Khouader, Ines Lamalchi, Fanny Pratt, Max Sister.

10 Cette typologie de narration radiophonique est décrite dans : Huwiler, Elke , 2016, « A Narratology of Audio Art: Telling Stories by Sound », Audionarratology: Prolegomena to a Research Paradigm Exploring Sound and Narrative, sous la direction de Mildorf Jarmila et Kinzel Till, de Gruyter, Berlin, pp.99-116. En ligne, URL : https://www.researchgate.net/publication/315740236_A_Narratology_of_Audio_Art_Telling_Stories_by_Sound [consulté le 19 mars 2022].

11 Von Gunden, Heidi « The Theory of Sonic Awareness in the Greeting by Pauline Oliveros », Perspectives of New Music, 19-1/2, Seattle, 1980, pp. 409‑416.

12 Le ♀ Ensemble est un groupe de femmes en non-mixité qui répétait chez Pauline Oliveros dans les annés 1970.

13 Oliveros, Pauline, 1971, Sonic Meditations, IngramSpark, 2022, p.3. Traduit par Crys Aslanian.

14 New Atlantis est un monde virtuel, en ligne et en réseau, multiutilisateur·rices, dédié à l’expérimentation sonore. A contrario de la plupart des mondes virtuels qui sont, de leur côté, basés sur des principes visuels, il est régi par le son. L’équipe de recherche Locus Sonus (ESAAix / PRISM) le développe depuis 2007 en partenariat avec : SAIC (School of the Arts Institute of Chicago) et l’ENSCI (École Nationale Supérieure de la Création Industrielle, Paris). Plus d’informations : https://newatlantis.world, consulté le 21 mars 2022.

15 Discord est un logiciel propriétaire gratuit d’appel vocaux et de messagerie instantanée, il est connu pour accueillir de nombreuses communautés de joueurs en ligne. Notion est une application collaborative tout-en-un qui rassemble, sur une plateforme unique : prise de notes, gestion et partage de documents, gestion de projet, suivi des tâches et bases de données relationnelles. Twitch est un service de streaming vidéo en ligne qui permet de partager en direct des programmes filmés.

16 Ingold, Tim, Une brève histoire des lignes, Bruxelles, Zones Sensibles, 2011.

17 Les jeux de rôle apparaissent sous la forme de wargames, jeux de simulation de combat, dans les années 70, et sont issus des premiers jeux de stratégie du XVIIe siècle (Bourguilleau & Drévillon, 2020). L’avènement du jeu de rôle sur table et son développement dans le sillage de la littérature de Fantasy et de Science-Fiction est contemporain à l’invention du jeu vidéo.

18 David, Coralie, « Le jeu de rôle sur table : Une forme littéraire intercréative de la fiction ? », Sciences du jeu, 6, Article 6, 2016. En ligne, URL : https://doi.org/10.4000/sdj.682, consulté le 19 mars 2022.

19 Le planet opera est un sous-genre de la science-fiction. À la différence du space opera genre de science-fiction qui relate des aventures se déroulant dans l'espace, le planet opera (littéralement, « opéra planétaire ») a pour décors une planète étrangère, aux caractéristiques déroutantes et mystérieuses, que les principaux personnages ont pour mission d'explorer et de découvrir sous tous ses aspects (vie extraterrestre pensante ou non, flore, ressources) (Wikipédia).

20 The Ground Itself est un jeu indépendant et autoédité créé en 2019 par læ game designer Everest Pipkin. En ligne, URL  : https://everestpipkin.itch.io/the-ground-itself [consulté le 19 mars 2022].

21 Découpage en émissions de la programmation hebdomadaire d’une station radio. En ligne, URL : http://radiolab.fr/forums/sujet/vocabulaire-radio [consulté le 19 mars 2022].

22 Mobile Frame Zero, Firebrands est un jeu de rôle sur table créer par Vincent Baker en 2016, publié par Glyphpress. Il est basé sur les jeux Mobile Frame Zero : Rapid Attack et Mobile Frame Zero : Intercept Orbit de Joshua A.C. Newman. En ligne, URL : https://www.firebrands.fr/ [consulté le 19 mars 2022], traduit avec la bénédiction des créateurs par les joueurs : JO Volsung, JC Nau et Matthieu B.

23 Textes collectifs. En ligne, URl : https://www.notion.so/chthulucene/Salle-d-criture-collaborative-a1febbc5008248d7ba8fa41fc0131678, consulté le 19 mars 2022.

24 Giacco, Grazia, Didier, John, Spampinato, Francesco, Didactique de la création artistique, Approches et perspectives de recherche, Paris, Eme, 2017.

25 Giacco, Grazia, Didier, John, Spampinato, Francesco, 2017, op cit, p.14.

26 Joy, Jérome, « Une époque circuitée », Intermédialités Histoire et théorie des arts, des lettres et des techniques, 13, 2009. En ligne, URL : https://doi.org/10.7202/044040ar [consulté le 13 janvier 2023].

27 Wachowski, Lana, Wachowski, Lilly,Tykwer, Tom, Cloud Atlas, long-métrage, 2012

28 Joon-ho, Bong, Snowpiercer, le transperceneige, long-métrage, 2013

28 Anderson, Jon, « Relational places: the surfed wave as assemblage and convergence », Environment and Planning D : Society and Space 2012, volume 30, pages 570 – 587

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https://www.antiatlas-journal.net/pdf/06-postel-aslanian-connexions-collectif-la-pulpe.pdf

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